L'Echo de Laurel Canyon, disponible en VOD, nous ramène aux racines de la communauté musicale de Laurel Canyon à Los Angeles, sur les musiques des groupes iconiques tels que The Byrds, The Beach Boys, Buffalo Springfield et The Mamas and the Papas. Des conversations exclusives, des anecdotes inédites et des performances impressionnantes de ces groupes légendaires sont au rendez-vous. On y trouve également en exclusivité la dernière interview de Tom Petty. Le film est un aperçu remarquable d’une période clé de l’histoire de la musique.
AlloCiné : Quelle a été l’inspiration pour ce documentaire ?
Andrew Slater (réalisateur) : Après la dernière tournée de Jakob Dylan avec son groupe The WallFlowers, nous nous étions retrouvés chez moi à cogiter et à nous demander ce que nous allions faire ensemble après ça. Nous étions en train de regarder le classique de Jacques Demy, Model Shop. Ce film nous a révélé une période de Los Angeles pleine d’innocence et de fraicheur : la fin des années 60. Je me souviens d’une critique de ce film qui disait que le personnage central était les rues de Los Angeles. Grâce à ce film de 1969, nous avons eu l’idée d’étudier la scène musicale naissante de Los Angeles à cette époque. Nous avons même remonté un peu le temps avant l’année 69. Nous avons alors découvert que ces chansons pouvaient être interprétées en duo. Toutes ces chansons sont les échos des idées de l’époque, une époque de transformation et une époque où tous ces groupes, comme The Byrds, tentaient d’émuler Les Beatles et leur chanson Hard Days Night. Les Beatles ensuite, en écoutant The Byrds, ont créé leur album Rubber Soul et finalement Brian Wilson s’est senti inspiré et il a créé Pet Sounds. Tout ceci a permis de dessiner une histoire fascinante de relations humaines, de connections entre artistes. C’est comme ça qu’est né L’Echo de Laurel Canyon. D’ailleurs, pour moi, nous avons fait plus un poème qu’un documentaire sur toute cette époque. C’est le résultat hybride entre un film d’Art & Essai et un concert.
Jakob Dylan (musicien et producteur) : Je pense que nous étions curieux de savoir si nous pouvions faire un film. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur mes albums et mes tournées, mais nous n’avions jamais collaboré sur un tel projet et nous en avions la vision, la passion. Alors, pourquoi ne pas essayer ? L’idée de faire les interviews non pas comme un journaliste mais comme un autre musicien, un autre artiste, sans plan spécifique, était fascinante. Dès le début, notamment avec Eric Clapton, nous nous sommes rendus compte que nous allions écouter, découvrir toutes sortes d’histoires palpitantes et parfaites pour réaliser un documentaire. C’est en écoutant toutes ces histoires que le film a trouvé son fil conducteur, un peu comme si nous allions d’une histoire à une autre et que, petit à petit, le plan de ce qui allait devenir L’Echo de Laurel Canyon se mettait à exister par lui-même. Ca n’a pas été facile de construire ce documentaire mais l’expérience a été riche et fascinante.
Le film n’avait donc pas un scénario précis mais s’est construit de manière naturelle ?
Andrew Slater (réalisateur) : Oui, absolument, tout est venu à force de "laisser faire, laisser vivre". Ensuite il nous a fallu trouver une façon de monter le tout et de construire une histoire, un peu linéaire, pour capturer l’attention du spectateur. Souvenez-vous aussi que nous sommes des producteurs de musique et que tout commence avec les chansons. Des chansons qui ont toutes une histoire et racontent toutes, également, une histoire. Ce que nous avons fait, c’est de moduler parfois le sens de ces histoires en les transformant en duos chantés par Jakob et tel ou tel chanteur. Dans tous les cas, nous nous sommes intéressés au contexte de ces chansons et c’est ce qui nous a aidés à construire notre documentaire. Cela rejoint le film de Jacques Demy où le personnage de Gary Lockwood tente de se trouver. Cette structure nous a servi de miroir pour ce documentaire. C’est certain, comme l’a dit Jakob, que ça n’a pas été une chose simple de monter les images du concert avec les interviews et de lier le tout ensemble. D’autant que nous ne voulions pas avoir une narration ou des cartes pour indiquer des changements de chapitres : comme pour une chanson ou un poème, nous voulions une évolution fluide. Je pense qu’au final nous y sommes arrivés.
Quels sont les autres défis que vous avez dû surmonter ?
Andrew Slater (réalisateur) : D’abord celui de faire un film alors que nous ne sommes pas cinéastes. D’ailleurs, nous avions approché un réalisateur très connu mais il nous a découragés en nous disant que ce n’était pas possible de faire de ces chansons un documentaire, encore moins en les mélangeant avec un concert filmé. Pourtant, nous y sommes arrivés ! Le plus gros défi, donc, c’est toujours de surmonter la négativité que l’on émet vis à vis de votre projet. Malgré nos craintes de n’avoir jamais fait un documentaire, nous avons eu le support moral et financier de nos investisseurs et nous avons réussi le tour de force d’achever ce documentaire.
Jakob Dylan (musicien et producteur) : De mon côté, il m’a fallu approcher toutes ces personnalités du monde de la musique. Et bien sûr, je devais les approcher directement, sans passer par leur agent ou manager. Heureusement, de par ma profession, je connais la plupart d’entre eux. Donc, même si c’est toujours délicat de demander à quelqu’un de vous donner son temps et ses lumières pour tourner un tel documentaire, j’ai été agréablement surpris des encouragements de chacun et de leur présence dans notre film. C’est incroyable que personne ne nous ait dit non et que nous ayons réussi à rassembler tellement de personnes importantes. Je pense qu’ils ont tous vu dans ce film une opportunité de pouvoir s’exprimer, de parler de choses qui leur tiennent à cœur par rapport à telle ou telle chanson et à cette période magique de création musicale.
Est-ce que vous avez fait des découvertes intéressantes sur ces chansons, cette époque de Los Angeles et des collines de Laurel Canyon ?
Jakob Dylan (musicien et producteur) : Je connaissais bien ces chansons et cela m’a rassuré de constater à quel point elles sont restées d’actualité. J’étais également persuadé que nous pouvions les interpréter avec les jeunes talents que nous avons dans le film. Je trouve le résultat fantastique. C’est intéressant de voir qu’il y a 60 ans, ces chansons ont changé le monde et qu’aujourd’hui encore elles le changent avec force et beauté.
Andrew Slater (réalisateur) : Nous nous sommes rendus compte que les messages de ces chansons résonnent plus que jamais pendant cette période douloureuse. Nous ne voulions pas forcément nous focaliser sur le contexte politique de ces chansons mais plutôt sur cette époque un rien naïve de notre Histoire, qui correspond à un moment de changement spontané. Ces chansons évoquent la notion du partage, une notion de bonté entre les êtres, la notion de communauté humaine, également. Quand je regarde autour de moi, je ne vois pas le même niveau de bonté et d’amour dans le monde. Ou, sans doute, est-ce ma nostalgie de cette période révolue ?
Quel impact aimeriez-vous que ce film provoque ?
Andrew Slater (réalisateur) : Nous avons montré le film dans plusieurs festivals et j’ai vraiment apprécié le fait que de nombreuses personnes m’aient avoué leurs émotions en me disant comment le film avait ramené à la vie toutes sortes de souvenirs pour eux. Certaines ont également savouré toutes les petites histoires cachées derrière ces chansons. C’est une grande satisfaction quand vous arrivez à émouvoir le public avec votre art.
Jakob Dylan (musicien et producteur) : J’espère que ce film apporte beaucoup de positivité dans un monde pas aussi simple qu’on le voudrait. Nous vivons une période compliquée et j’espère que ce film apporte un soutien moral aux gens qui le regarderont, un peu d’espoir et de lumière. Je n’étais pas intéressé par l’idée de créer un film qui aurait suscité une controverse. C’était important de faire partager la joie qui régnait à cette époque, dans les collines de Laurel Canyon. Et montrer que nous avons toujours besoin de cette joie dans le monde d’aujourd’hui.
Andrew Slater (réalisateur) : Au final, je ne sais pas si une chanson ou ce film peut changer le monde, mais je suis convaincu que cela peut changer la perspective, l’idée que vous vous faites du monde. Pour moi, un film doit me permettre de me sortir de la grisaille de mon quotidien. J’espère que nous arriverons donc à donner quelques couleurs à votre quotidien avec L’Echo de Laurel Canyon. J’espère aussi qu’en regardant ce film, vous vous rendrez compte de l’amour qui existe entre tous ces artistes et que cela vous permettra à votre tour de transmettre cet amour.
Y’a-t-il une ou plusieurs chansons du film qui représentent l’homme que vous êtes ?
Andrew Slater (réalisateur) : Cela dépend du jour de la semaine ! (Rires) Il y a des jours où je m’identifie à I wasn’t made for these times des Beach Boys, surtout avec tout ce qui se passe dans le monde en ce moment. D’autres jours, je suis d’humeur à écouter Expecting to Fly de Buffalo Springfield sur des paroles de Neil Young. C’est une chanson sur la fin de l’innocence, la fin des années d’innocences évoquées dans notre film. La vie est complexe comme le sont ces chansons. D’autres fois encore, je me sens comme la chanson In My Room des Beach Boys, car tout devient plus personnel, plus intime. Rien n’est simple dans la vie, et c’est ce qui ressort de ces chansons, de notre film.
Jakob Dylan (musicien et producteur) : Pareil pour moi, je ne pense pas qu’il y ait une chanson ou un artiste auquel je m’identifie plus qu’un autre. Cela dépend du moment, de ce qui se passe dans ma vie et dans le monde. Dans tous les cas, c’est le rôle de la musique de représenter telle ou telle émotion causée par tel ou tel évènement qui se passe dans votre vie. Vraiment, je tiens à donner beaucoup de positivité et d’espoir avec ce film. Nous en avons tous besoin, plus que jamais.