De quoi ça parle ?
Alors qu’on pense avoir vaincu la mort, sont découverts les corps de sept suicidés, tous mineurs. Dérive sectaire, acte politique, cri d’alarme d’une jeunesse qui cherche sa place ? Darius, flic de 119 ans, mène l’enquête avec Christa, jeune fille révoltée et rebelle.
Ad Vitam (6x52 minutes), à partir de ce jeudi 8 novembre à 20h55 sur Arte, au rythme de deux épisodes par semaine.
À quoi ça ressemble ?
C'est avec qui ?
Co-écrite et co-réalisée (avec Manuel Schapira) par Thomas Cailley, à qui l'on doit le long métrage Les Combattants, très remarqué en 2014 et lauréat du César de la Meilleure première oeuvre l'année suivante, Ad Vitam, la nouvelle série d'Arte entre science-fiction et polar, peut se targuer de posséder un (très) joli casting.
C'est en effet Yvan Attal, qui trouve ici son premier rôle dans une série, qui campe Darius, le héros flic de cette enquête - également quête existentielle et philosophique - en six épisodes. Un personnage qui, comme la majorité de la société telle qu'elle est présentée, sait qu'il a la vie devant lui, approche désormais les 120 ans (à la suite de trois régénérations), et qui va voir son quotidien, et possiblement certaines de ses certitudes, chamboulées par une vague de suicides inquiétante, qui va faire remonter à la surface les fantômes d'un mal enfoui depuis dix ans, qui semble prêt à frapper à nouveau. Encore plus fort.
Dans cette enquête où tout est plus que jamais une question de vie ou de mort, Darius est épaulé par Christa, une jeune femme psychotique, emprisonnée dans un centre de détention depuis des années, qui va retrouver le monde extérieur pour aider la police. Elle qui, il y a dix ans, a fait partie du mouvement sectaire Saul, qui pourrait bien avoir refait surface, pour mettre à mal l'ordre établi et pousser la jeune génération à renoncer à l'immortalité et à choisir la mort. Personnage le plus intriguant et le plus percutant d'Ad Vitam, Christa est incarnée par Garance Marillier, la révélation de Grave, qui crève à nouveau l'écran.
Aux côtés de ces deux têtes d'affiches, le reste de la distribution comprend Niels Schneider (Odysseus, Diamant noir), Rod Paradot (La Tête haute), Anne Azoulay, Ariane Labed (Voir du pays), Hanna Schygulla, et Anthony Bajon (La Prière).
Ça vaut le coup d'oeil ?
Présentée mai dernier à Series Mania, où elle a remporté le prix de la Meilleure série française, Ad Vitam faisait évidemment partie des séries les plus attendues de l'année 2018. Premièrement car les séries d'anticipation restent rares à la télévision française, mais aussi et surtout car elle marque la première incursion de Thomas Cailley dans l'univers sériel. Un réalisateur qui a réussi un petit coup de maître avec son premier film, est devenu l'un des nouveaux talents hexagonaux à suivre, et a finalement choisi de se lancer dans l'aventure d'une série hybride, entre SF et polar, au lieu d'embrayer directement sur un second long métrage (là où on l'attendait davantage). Et si le résultat n'est pas totalement à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer, notamment en terme de rythme, Arte parvient tout de même à nous offrir une série de genre à l'esthétique et à l'univers enivrants, qui a tout d'une vraie proposition, et fait en grande partie oublier les déceptions Trepalium et Transferts.
En effet, sur la forme, Ad Vitam est une vraie belle réussite comme on aimerait en voir plus souvent. La série parvient à nous embarquer dès le départ dans son univers et dans son atmosphère particulière, qui possèdent ce petit quelque chose qui nous fait souvent penser à certains mangas et animes japonais de science-fiction ultra dark. Une vraie patte qui fait de cette série une oeuvre à part dans la paysage audiovisuel français, et qui est renforcée par une réalisation hyper soignée et une musique envoûtante et percutante, signée HiTnRuN. Les partis pris esthétiques et formels sont de tous les instants et font d'Ad Vitam une vraie expérience, renforcée par la prestation assez exceptionnelle de Garance Marillier. Qui, n'ayons pas peur de le dire, survole l'ensemble, tant sa prestation est remplie d'une intensité, d'une force émotionnelle, et d'une justesse folles. Son personnage, Christa, mystérieuse jeune femme qui semble davantage attendre la mort qu'espérer la vie éternelle, est le coeur palpitant de la série, dont on suit avec intérêt le cheminement et les questionnements liés à toute une génération en perdition au fil des 6 épisodes.
Malheureusement, face à elle, le reste de la distribution peine un peu à convaincre (même Yvan Attal déploie parfois un jeu quelque peu désincarné), ce qui ternit un peu le tableau. Et du côté de l'intrigue, si le mystère entourant le suicide de plusieurs mineurs dans cette société où la mort n'existe plus reste assez intriguant tout du long, on regrette que toutes les thématiques et toutes les réflexions qui découlent de cette société où la vie peut être régénérée ne soient pas plus développées et qu'elles viennent surtout se noyer dans une énième intrigue policière dont on aurait pu se passer tant les sujets abordés par Thomas Cailley suffisaient à eux seuls à façonner une bonne série. À cela s'ajoute un rythme trop lent, qui a parfois tendance à nous perdre sur la première moitié de la saison, d'autant plus que les deux premiers épisode servent surtout à poser les bases du récit et des personnages.
Mais la bonne nouvelle, pour les plus téméraires, c'est que Ad Vitam trouve vraiment un second souffle et décolle dans sa seconde moitié, pour finir sur un épisode final vraiment très fort. Même Darius, le personnage de flic fatigué vu et revu à la télé campé par Attal, parvient davantage à trouver sa place face à Christa, et le duo fonctionne de mieux en mieux au fil des épisodes. Bref, on aurait aimé que l'ensemble de la série soit de cet acabit, mais en l'état Ad Vitam reste tout de même une série à part, qui parvient à fasciner par son esthétique et son univers, et qui mérite le coup d'oeil rien que pour Garance Marillier, qui s'impose plus que jamais comme l'une des grandes révélations de ces dernières années.