Qu'est-ce qui différencie Good Doctor de toutes les autres séries médicales déjà vues par le passé ?
David Shore : C'est principalement son héros, Shaun Murphy. Son autisme et son syndrome du savant ne le définissent pas, mais ces caractéristiques lui donne un point de vue différent sur le monde. Une chose qui me passionne, c'est de comprendre pourquoi on fait les choses que l'on fait, y compris nos erreurs. Et lui se pose ces questions naturellement. Il met le doigt sur nos hypocrisies du quotidien, mais sans jugement, de manière très naïve et sincère. C'est ce qui m'avait plu dans la version coréenne quand je l'ai vue et qui m'a donné envie de l'adapter pour les Etats-Unis.
Et qu'est-ce qui différencie Shaun de Dr House ?
Ils sont du genre à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Mais ils ne sont pas poussés par la même motivation. Shaun est beaucoup plus positif et ouvert, il n'a pas le même dédain que House pour le reste de ses congénères. Je me sens plus proche de House à titre personnel, mais c'est tout de même beaucoup plus agréable d'évoluer aux côtés de Shaun ! Et puis, étant moi-même quelqu'un d'assez cynique, j'ai besoin de gens comme lui dans ma vie. Il m'entraîne avec lui dans son univers, alors que House avait tendance à me conforter dans le mien.
Refaire une série médicale après le succès que vous avez connu avec House, ça ne vous a pas dérangé ?
Je n'avais pas nécessairement envie de refaire une série médicale, j'ai d'ailleurs fait d'autres choses entre temps, mais j'ai le sentiment que le genre a peu d'importance dans le fond. L'important c'est l'angle qui est choisi. La plupart des séries médicales à succès ne se ressemblent pas. Urgences c'est Urgences. Grey's Anatomy c'est Grey's Anatomy. Good Doctor est très différente de ces deux-là.
Est-ce qu'il a été facile d'imposer un personnage comme celui de Shaun aux chaînes quand vous leur avez présenté le projet ?
5 ans plus tôt, c'était beaucoup plus difficile. J'ai essayé d'ailleurs (ndlr: CBS a refusé la série il y a quelques années). Aujourd'hui, l'intérêt était là. C'est une série très portée sur l'émotion, et c'est ça qui a fonctionné auprès des décideurs d'ABC, le personnage les a touchés. Comme les téléspectateurs ensuite. Très vite, on ne le voit plus comme un autiste, mais bien comme un médecin.
Mais dans le fond, il fonctionne un peu comme un super-héros ?
Justement, il était très important pour moi que ce ne soit pas le cas. Il est "spécial" oui, mais ce n'est pas un génie qui sauve le monde. Cela arrive qu'il sauve des vies, mais il a des défauts, il va faire des erreurs, comme tout le monde. Il a des forces que l'on n'a pas tous, il a des faiblesses aussi que l'on partage avec lui. Il est profondément comme nous tous. Et il a besoin des autres pour s'en sortir, comme les autres ont besoin de lui.
Le choix de Freddie Highmore a-t-il été une évidence pour vous ?
Lorsque j'ai envoyé la dernière version du scénario de Good Doctor à ABC, ils m'ont tout de suite demandé si j'avais pensé à Freddie Highmore pour incarner le personnage. Et j'avoue que non, je n'avais pas pensé à lui, mais avant tout parce que je préfère écrire sans avoir un acteur spécifique en tête. Je me suis intéressé à son travail et j'ai été très impressionné. Il arrive à communiquer beaucoup d'émotions rien qu'à travers son regard et c'était crucial pour jouer Shaun. C'est un rôle difficile, atypique, et j'ai compris en le rencontrant que sa maturité et son intelligence collaient parfaitement à ce qu'il nous fallait.
Qu'est-ce que vous avez souhaité changer par rapport à la version originale coréenne ?
Pas tant de choses que ça. Je pense que j'y ai apporté mon style d'écriture, mais j'étais déjà très touché par leur pilote. Il y a des choses que j'ai moins aimées, et je les arrangées. Je savais instinctivement ce que je pouvais faire. Mais je préfère ne pas rentrer dans les détails, ce serait indélicat.
C'est peut-être un peu moins tourné vers le soap et les relations amoureuses ?
Peut-être.
La série traite aussi de sujets sociétaux, dont certains sont en résonnance avec l'actualité. Il y a une intrigue autour du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, par exemple...
J'aime l'idée de faire une série qui soit presque intemporelle mais on vit dans un monde précis et ce monde rejaillit forcément sur l'écriture. A vrai dire, sur le harcèlement sexuel, on avait travaillé sur cette idée avant même que l'affaire Weinstein n'éclate. C'était presque une coïncidence, mais parce que ce n'est pas une problématique nouvelle, elle a toujours existé.
Que se passerait-il si House et Shaun se rencontraient ?
Ce serait comme la rencontre de la matière et l'anti-matière ! Le monde exploserait certainement ! (rires)
Propos recueillis en février 2018 à Vancouver