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    Ce soir sur Canal+ : sans rien montrer, ce film va vous plonger au sein de la plus grande tragédie du 20ème siècle
    Emilie Semiramoth
    Emilie Semiramoth
    Cheffe du pôle streaming, elle a été biberonnée aux séries et au cinéma d'auteur. Elle ne cache pas son penchant pour la pop culture dans toutes ses excentricités. De la bromance entre Spock et Kirk dans Star Trek aux désillusions de Mulholland Drive de Lynch, elle ignore les frontières des genres.

    Lauréat de 2 Oscars et du Grand Prix à Cannes 2023, "La Zone d'intérêt" est un film puissant qui aborde la Shoah avec une approche bouleversante et originale.

    Lauréat du Grand Prix à Cannes en 2023 et couronné de 2 Oscars (Meilleur Film international et Meilleur Son), La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer s'impose comme un film choc sur la Shoah, à la fois déroutant et bouleversant. Le réalisateur fait ici le pari audacieux de ne jamais montrer frontalement l'horreur des camps, une approche qui détonne et qui a suscité des réactions contrastées.

    Inspiré du roman de Martin Amis, le film nous plonge dans l’ordinaire glaçant de la famille de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, dans une vie apparemment paisible au cœur d’un des lieux les plus sinistres de l’Histoire.

    La Zone d'intérêt
    La Zone d'intérêt
    Sortie : 31 janvier 2024 | 1h 45min
    De Jonathan Glazer
    Avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Johann Karthaus
    Presse
    4,1
    Spectateurs
    3,8
    Voir via MyCanal

    Vivre à l’ombre d’Auschwitz

    Dès les premières images, le contraste est saisissant. La Zone d'intérêt s’ouvre sur une scène idyllique, où des enfants jouent dans l’herbe, tandis qu'une famille se baigne dans une rivière sous le soleil.

    Ce qui semble être une scène banale de bonheur familial prend rapidement une tournure inquiétante. En toile de fond, des bruits métalliques et des cris perçants se font entendre, signalant la proximité du camp d'Auschwitz. À travers cette ambiance sonore omniprésente, Glazer rappelle la barbarie, toujours présente, mais jamais montrée directement.

    C’est là tout le dispositif du film : il déplace l'horreur des camps en arrière-plan, hors champ, pour se concentrer sur le quotidien presque trivial des Höss. Rudolf et sa femme Hedwig vivent dans une maison confortable jouxtant le camp, où ils élèvent leurs enfants, dînent en famille et cultivent un jardin luxuriant, qu’Hedwig appelle son "paradis".

    Le contraste entre cette vie domestique apparemment normale et la monstruosité des actions qui se déroulent à quelques mètres crée un malaise constant chez le spectateur, voire la sidération.

    © Leonine

    L’invisible violence

    Le film joue avec l'absence d'images choquantes pour mieux capter l'horreur sous-jacente. Car la violence du camp est suggérée à travers le son : les cris des prisonniers, les sirènes, les camions qui circulent jour et nuit. Ce procédé rend le film d’autant plus troublant.

    L'horreur n'est jamais spectaculaire, elle est suggérée, transformant chaque instant de banalité en quelque chose de profondément perturbant. Le spectateur est ainsi invité à imaginer l'indicible.

    Jonathan Glazer ne tombe jamais dans le piège du sensationnalisme. Il refuse toute dramatisation excessive, rendant son film d’autant plus dérangeant par sa sobriété. Il n’y a ni protagoniste héroïque ni catharsis émotionnelle.

    Seule la froideur déshumanisée des personnages – notamment celle de Hedwig, interprétée par Sandra Hüller, incroyable une fois de plus – domine l’écran. Dans une scène glaçante, elle menace l’une de ses domestiques, lui rappelant que sa vie pourrait être anéantie d’un simple mot à son mari.

    © Leonine

    Une approche controversée mais un film nécessaire

    Le choix de Glazer de centrer l'intrigue sur les bourreaux et de rendre les victimes presque invisibles a suscité des débats houleux. Certains critiques, notamment aux États-Unis, ont jugé le film immoral, qualifiant son approche de "kitsch" ou d’"exercice artistique creux".

    Toutefois, le film a aussi reçu des éloges pour son approche d’un sujet aussi difficile. En évitant les représentations directes de la violence, Glazer force le spectateur à confronter ses propres perceptions et limites face à l'horreur.

    La Zone d'intérêt n’est pas un film facile. Il ne cherche pas à offrir de réponses ou de réconforts face à l’inconcevable. En choisissant de montrer la banalité du mal à travers le prisme de la vie quotidienne des oppresseurs, Jonathan Glazer signe une œuvre profondément dérangeante, à la limite du supportable, qui invite à une réflexion morale complexe.

    Ce film, aussi minimaliste que percutant, marque sans aucun doute les esprits et continuera de susciter des débats pendant encore longtemps.

    C'est un film essentiel pour sa façon d'aborder la Shoah sous un angle inédit, tout en respectant une pudeur absolue. Un véritable tour de force cinématographique, qui laisse le spectateur face à ses propres émotions et interrogations.

    La Zone d'intérêt, ce soir à 21h sur Canal+

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