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    Richard Roundtree était Shaft : connaissez-vous la Blacksploitation ?
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Dans la mouvance du slogan "Black is Beautiful" alors en vogue dans les années 1970, qui voit le triomphe des valeurs et de la culture afro-américaine, naît un sous-genre de film qui donnera lieu à une abondante production : le "Soul Cinema".

    Deux ans après la disparition de Melvin Van Peebles, figure pionnière de la Blacksploitation et père de l'acteur Mario Van Peebles, c'est au tour d'une autre icône du genre de tirer sa révérence. Richard Roundtree, inoubliable Shaft dans le film de Gordon Parks, s'est éteint ce mardi soir à l'âge de 81 ans. Un personnage et un genre qui lui collera à la peau jusqu'au bout.

    S'il a toujours embrassé cet héritage, parfois pesant pour lui, Richard Roundtree récusait le mot "exploitation" accolé au genre, comme il le soulignera dans un entretien accordé au New York Times en 2019 : "J'ai eu le privilège de travailler avec l’homme le plus chic que j’aie jamais connu dans l’industrie, Gordon Parks. Donc, ce mot, exploitation, je m’offusque de tout attachement à Gordon Parks. J'ai toujours considéré cela comme négatif. Exploitation. Qui est exploité ? (...)

    Mais cela a donné du travail à beaucoup de gens. Cela a permis à beaucoup de gens d'accéder au secteur, y compris à un grand nombre de nos producteurs et réalisateurs actuels. Donc, dans l’ensemble, je considère cela comme positif".

    Black is Beautiful

    Dans la mouvance du slogan Black is Beautiful alors en vogue dans les années 1970, qui voit le triomphe des valeurs et de la culture afro-américaine, naît un sous-genre de film qui donnera lieu à une abondante production : le "Soul Cinema", plus communément appelé "Blacksploitation".

    Issu d'un courant culturel et social propre aux Etats-Unis au début des années 1970, la Blacksploitation est d'abord une contraction entre les mots "Black", et les "Exploitations Movies", un sous-genre qui creusait une veine Underground comme les films de prison de femmes. Des genres de films qui faisaient alors le bonheur des salles de quartier et des cinémas de Drive-In.

    La Blacksploitation est aussi un genre qui a su revaloriser l'image de la communauté afro-américaine, qui les présentait dans des rôles dignes et de premiers plans, et non plus uniquement dans des rôles secondaires, de faire-valoir ou tout simplement dévalorisants, comme Hollywood le fit durant plusieurs décennies. En un sens, le phénomène de la Blacksploitation mit fin au modèle unique d'intégration de la communauté noire dans l'industrie du cinéma, incarnée jusqu'alors par Sidney Poitier.

    Jim Kelly est Warner Bros.
    Jim Kelly est "Black Belt Jones" (1974)

    Né d'une conjonction entre la crise des codes du cinéma américain et la prise de parole des noirs américains dans un contexte politique très tendu (guerre du Viêtnam, émeutes sociales et raciales comme à Watts en 1968, répression politique menée par Richard Nixon...), cette visibilité soudaine de toute une communauté signifiait aussi l'émergence d'un marché plus que prometteur, à commencer pour Hollywood.

    Stéréotypes assumés

    Tous les genres cinématographiques à la mode dans les années 1970 furent mis à la sauce Blacksploitation : le film policier (trilogie de Shaft par exemple), le Péplum, le Western (Boss Nigger), le film d'horreur (Blacula), les Arts martiaux (La Ceinture noire) ou encore l'espionnage (Cleopatra Jones).

    L'une des grandes particularité de la Blacksploitation est que nombre de ses films eurent de brillantes bandes-originales : presque tous les grands musiciens noirs des années 1970 composèrent des BO de ces films, comme James Brown, Curtis Mayfield, Isaac Hayes, Marvin Gaye, Barry White, Herbie Hancock, Roy Ayers...

    Pam Grier dans American International Pictures
    Pam Grier dans "Foxy Brown" (1974)

    Souvent violents, remplis de clichés parfaitement assumés et de stéréotypes (les éternels dealers, les prostitués, les justiciers sauvages, les tueurs dans les ghettos...), les films de la Blacksploitation n'ont paradoxalement pas vraiment réussi à faire émerger durablement ses talents.

    En effet, dans un océan de productions souvent médiocres voire franchement mauvaises, seuls quelques noms ont réussi à sortir du lot, comme Gordon Parks père et fils, Fred Williamson, Jim Kelly, Richard Roundtree ou Pam Grier. Encore que les carrières de ces deux derniers sombrèrent plus tard dans les séries Z et la télé.

    Le genre de la Blacksploitation a influencé toute une génération de cinéastes, et garde l'affection de nombreux amateurs du genre, parmi lesquels un certain...Quentin Tarantino.

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