"J'étais stupide, asocial, et ne me mêlait pas avec les autres enfants. Je n'avais aucun cerveau. Je ne savais pas ce que je faisais là. C'est pourquoi je suis devenu acteur". C'est ainsi qu'Anthony Hopkins évoque son enfance; ou plutôt sa scolarité difficile, passée dans sa ville natale de Margam, une banlieue de la ville Port Talbot, situé dans le Pays de Galle. En réalité, le jeune Anthony développe très tôt un vrai penchant artistique, notamment pour la peinture, le dessin, et le piano.
Repéré en 1965 par l'acteur shakespearien par excellence, le grand Laurence Olivier, qui le prend sous son aile, il le fera ainsi rentrer au Royal National Theatre. Dans ses mémoires, Confessions of an Actor, Laurence Olivier écrivait même : "un nouveau jeune acteur venu dans la compagnie promis à un brillant avenir du nom d'Anthony Hopkins étudiait sous mon autorité, et s'en alla avec le rôle d'Edouard [NDR : Edouard III, de la pièce du même nom signée Shakespeare] comme un chat avec une souris entre les dents".
On ne saurait écrire plus bel hommage pour celui qui deviendra effectivement un immense comédien, au coeur du passionnant documentaire Hannibal Hopkins & Sir Anthony, diffusé ce soir sur Arte à 22h40.
Riche en archives, extraits de films et entretiens, dans lesquels il se livre sans détours, ce portrait explore le destin tumultueux d’un acteur à la personnalité complexe, dont le flegme britannique de façade dissimule un tempérament tempétueux que la gloire a adouci.
En voici la bande-annonce...
Esprit rebelle
Ambitieux et rebelle, traînant aussi un mal être en raison d'un manque de confiance en lui qu'il noiera un temps dans l'alcool, Anthony Hopkins se sent trop à l'étroit en Angleterre, et aspire à faire carrière à Hollywood.
"J'ignore ce qu'est mon rôle dans ce monde. Je suis venu à Hollywood pour jouer dans des films. Pour être acteur. J'étais un mauvais garçon. Je ne supportais plus le théâtre anglais. Je ne m'y sentais pas à ma place. Ce n'était la faute de personne. Ce n'était pas dans ma nature de faire partie de ce groupe. J'ai réinventé ma vie, je suis venu ici il y a des années, et voici le résultat. Je suis combatif, rebelle. Et heureux !" confie Hopkins.
Si Hollywood aime par-dessus tout formater ses talents en les faisant rentrer dans les stéréotypes, Hopkins tire sa force précisément en ne rentrant dans aucun moule. Ventriloque fou chez Richard Attenborough dans le trop méconnu Magic, il se distingue encore plus dans son fabuleux rôle du médecin Frederick Treves dans Elephant Man de David Lynch, avec qui il entretiendra pourtant des relations exécrables sur le tournage.
"C'est la partie hautement civilisée du cerveau d'Hannibal qui m'intéressait !"
Dans les années 90, il est définitivement mis sur orbite grâce à son extraordinaire interprétation oscarisée d'Hannibal Lecter dans le Silence des agneaux, considérée à juste titre comme une des plus grandes compositions jamais faites d'un méchant à l'écran.
Sa performance fut d'ailleurs classée première du Top 100 dressé par l'American Film Institute dans son palmarès des plus grands méchants de l'Histoire du cinéma, qui n'est pourtant présent que 16 min à l'écran. "Je ne voulais pas jouer sur le côté maléfique. Jouer la folie d'un fou, c'est ridicule. Donc j'ai choisi de jouer son côté super sain d'esprit. La partie hautement civilisée du cerveau d'Hannibal. Ses aspects maléfiques sont là aussi, mais c'est aux spectateurs de juger" dit-il.
Tournant avec les plus grands, comme Coppola dans Dracula où il compose un génial Van Helsing, Spielberg (Amistad) ou Oliver Stone (Nixon), celui que Jodie Foster qualifie de "parfait gentleman anglais refoulé" déploie aussi des merveilles de subtilité sous la direction raffinée de son compatriote James Ivory, notamment dans Retour à Howards End et Les vestiges du jour.
A nouveau oscarisé à 83 ans pour sa magistrale composition dans The Father où il joue de sa propre vieillesse, tête d'affiche chez James Gray dans Armaggedon Time, Anthony Hopkins n'en a heureusement pas encore fini avec sa passion du métier d'acteur.
"Je n’ai plus rien à prouver. Tous les petits doutes qui remontent à mon enfance... C’est comme si une voix en moi disait: "Tu n’étais pas si bête, tu étais différent" achève-t-il en guise de conclusion. Sir Anthony Hopkins, en majesté.