La saga télévisuelle qui nous a tenu en haleine, traversant la frontière ténue entre le réel et l'irréel, atteint son crépuscule avec une éclat atypique, ni aveuglant ni sombre, mais baigné d'une lumière crépusculaire qui suscite autant de réconfort que de mélancolie. Après des débuts explosifs et des développements enivrants, où chaque saison semblait dépasser son aînée en audace et en finesse, cette ultime traversée nous laisse à la lisière d'une forêt dense, non pas perdue, mais songeuse devant les mystères non élucidés et les promesses d'un éden inatteignable.
La première saison nous avait projetés sur une île mystérieuse, un microcosme de l'humanité confronté à ses propres démons et à ceux, bien réels, qui hantaient les recoins de ce paradis perdu. Elle établissait une norme d'excellence, tissant habilement les fils de la survie, du mystère et du destin humain. La deuxième saison, prolongeant cette odyssée, explorait les abîmes de l'âme humaine avec une précision chirurgicale, nous laissant entrevoir les failles et les grandeurs de ses protagonistes. La troisième saison, quant à elle, introduisait des éléments de science-fiction et de mythologie, élargissant l'échiquier sur lequel se mouvaient les pions humains, confrontés à des forces qui les dépassaient.
La quatrième saison amorçait un léger déclin, non dans la qualité de sa production ou de son interprétation, toujours impeccable, mais dans l'équilibre fragile entre l'explication et le mystère, inclinant parfois trop vers l'un au détriment de l'autre. La cinquième saison, bien qu'encore riche en rebondissements et en émotions, marquait un pas de plus vers une complexité parfois alambiquée, où le fil d'Ariane de l'intrigue se perdait dans les méandres du temps et de l'espace.
Enfin, cette conclusion, cette sixième saison, se veut un adieu teinté d'amertume et de douceur. Les éléments surnaturels et les intrigues temporelles, qui furent autrefois le sel de cette épopée, semblent par moments éclipser la quête d'humanité qui était le cœur battant de Lost. Les personnages, bien que toujours aussi vibrants de vérité, se débattent dans un labyrinthe de réalités alternatives et de destinées entrecroisées, cherchant une porte de sortie qui les mènera vers une résolution, si ce n'est satisfaisante, du moins cohérente.
Cette saison, bien qu'elle ne démérite pas dans l'art de la narration et de la mise en scène, nous laisse avec un sentiment de non-accomplissement, comme si l'île, avec ses secrets et ses promesses, s'était estompée, non pas dans un éclat de lumière, mais dans les brumes d'un matin incertain. Elle ne ternit pas l'éclat des saisons précédentes, mais nous rappelle que même les plus grands voyages ont une fin, et que toute quête, si passionnante soit-elle, porte en elle les germes de sa propre dissolution.