Dans les séries télé, si le western est peu représenté, il l’est de manière brillante. Ce « Godless » est tout aussi aussi exceptionnel que « Hell On Wheels ». Là où la série des frères Gayton, et de John Wirth centrait sa vision de l’expansion de l’Ouest Américain, sous l’angle de la construction du chemin de fer, l’angle d’attaque de Scott Frank, dans « Godless » est celui de l’exploitation d’une mine d’or, ou de ce qu’il en reste, et des pérégrinations d’une bande de malfrats nomades. Outre la qualité des acteurs et des répliques, de nombreux autres points sont communs entre chacune des deux séries. La quasi totalité des aspects historico-culturels, essentiels de la construction de l’Ouest, sont traités, et ce, avec justesse. L’importance des saloons, des bordels, de la présence indienne, du flux migratoire européen, du banditisme, du rôle de l’armée, les différents business qui ont permis à cet Ouest de se développer, la religion, et l’effet mythificateur de la presse. Franchement, les scénaristes ne se sont pas tournés les pouces, et n’ont pas juste regardé les images des livres d’histoire. Ils ont bossé comme des ânes. Non seulement à retenir une forte dose de documentation, mais surtout à la tisser avec soin autour d'une seule et même intrigue. Le caractère encore plus exceptionnel de la série de Scott Frank est, qu’en plus d’évoquer les éléments mentionnés, il aborde aussi des éléments historiques rarement traités dans les westerns: les « All-Black-Towns », les « Buffalo soldiers », et les "all-women-towns". Tous ces éléments sont mêlés, avec la plus grande intelligence aux figures imposées du bon western, fusillades, bastons, chevauchées, romance, etc. La cerise sur le gâteau, est qu’à tout cela, s’ajoute une extraordinaire poésie, faite de magnifiques prises de vue, de symbolisme visuel et textuel, et même d’ésotérisme (les concepts d’ombre, et de fantôme). Un autre point commun semble unir les deux séries : la prédominance des acteurs irlandais. Et on peut comprendre le choix des réalisateurs. Car outre les prouesses de leur jeu, c’est l’aisance de ces irlandais à maîtriser des accents n'ayant rien à voir avec le leur, qui impressionne. Dans « Hell On Wheels », c’est Colm Meany qui étonnait. Dans « Godless », Michelle Dockery arbore un accent américain de l’Est, et de manière très convaincante. Mais, c’est Jack O’Connell, qui met tout le monde d’accord, en arborant un accent rural du Midwest, avec un tel naturel, qu’on jurerait qu’il est né là-bas. Dans ce monde, où Dieu semble s’être enfui, prions tout de même, pour qu’il y ait d’autres saisons à « Godless ».