Adaptée de l’histoire vraie hallucinante d’une “taupe” sous Franco, "Une vie secrète" parvient habilement à joindre la matière théorique de son argument à ce grand geste romanesque qu’est de raconter une vie qui passe.
Le cinéaste Ruben Alves assume un coup d’audace payant, qui implante et défend son personnage LGBT+ dans une comédie grand public. [...] Les deux paris, celui du récit et du film, étant finalement les mêmes : célébrer une différence en la faisant émerger du terreau le plus normatif possible. La réussite d'une telle entreprise est affaire de sacrifices consentis à la norme et d'intransigeance lorsqu'il s'agit de défendre la différence, de la respecter. A ce titre, "Miss" est plutôt une réussite.
Excentrique mais jamais égocentrique, "Garçon Chiffon" suit les chemins rebattus du roman de formation avec ses galères, ses hasards heureux, ses morts et ses renaissances symboliques. [...] un film d’outrance contrôlée, pas tellement survolté, au contraire doux et cotonneux, mais déjà un film-somme qui scelle les obsessions d’un auteur-acteur et porte en apothéose son art de jouer.
Parce qu'au-delà d'être un film sur les arcanes de l’administration d’une grande ville (700 000 habitant·es), c'est une certaine manière de gérer le pouvoir qui intéresse notre cinéaste, et particulièrement celle de son maire démocrate charismatique [...] Wiseman [...] nous dit que oui, l’utopie démocratique est possible et qu'il faut continuer d'y croire.
C'est l'autoportrait de Kontchalovski qui affleure au travers de cette reconstitution, superbe, de la vie du peintre florentin. [...] Surplombé par cinquante ans d’histoire, Michel-Ange aurait pu céder à la tentation de s’inscrire dans la tradition du grand film de maître. Derrière la splendeur des images, c’est au contraire par son économie narrative que le film surprend.
De facture classique, le film possède une capacité d’écoute dont la proximité et l’intimité tissée permettent aux travailleur·euses de confier leur peur du lendemain qui ampute le sommeil, rendant le corps et la tête fébriles. [...] le film ouvre aussi une réflexion implacable sur l’origine de la violence d’Etat insidieuse et invisible.
"Petit Vampire" est un joli dessin animé : avec humour et sur le ton de la fable, Sfar nous raconte une belle histoire d'amitié entre deux enfants que tout oppose au départ : qu'y a-t-il de plus souhaitable ? Etre immortel mais ne jamais devenir adulte, ou vivre une vie pleine et entière tout en sachant qu’on n’en réchappera pas ?
La grandiloquence kitsch de la mise en scène de Dupontel [...] opère à plein régime pour sursignifier, en même temps qu’elle ensevelit, les faits et gestes des héros·oïnes de ce conte moderne gonflé d’effets numériques disgracieux.
Si "Peninsula" se connecte à un état du monde, il s’agit moins de la pandémie que de la crise migratoire. Son image traumatique, ce n’est pas le corps monstrueux du mort-vivant [...], ce n’est pas non plus la contagion [...]. Son image traumatique, c’est plutôt la marée humaine – qu’elle soit zombie ou non [...]. Le film n’est certes pas toujours à la hauteur de ces enjeux, mais il fonctionne bel et bien comme un fournisseur pétaradant d’images cauchemardées de l’époque.
Le mérite de certains films est de nous faire rêver à un autre, auquel eux-mêmes rêvent aussi, mais que, pour une raison ou une autre, ils ne résolvent pas tout à fait à être. Ainsi va "On the Rocks", la nouvelle mélancomédie de Sofia Coppola autour du motif père/fille [...].
Le cinéaste fait un feu d’artifice de points de vue, démontrant que l’altérité demeure toujours une force, surtout dans un même camp. La beauté du film réside d’abord dans la circulation de la parole et la manière dont celle de chaque accusé [...] se diffuse dans l’espace des autres, comme la découverte d’un secret. [...] La politique se niche parfois dans les détails, le génie d’Aaron Sorkin aussi.
Dépliant un imaginaire western dense et vivant, couplé à une représentation soignée de la nature (laissant supposer des inspirations surtout du côté de Miyazaki), le tout enrobé dans une palette raisonnablement fauviste, le film de Chayé fait l'effet d'un copieux buffet d'aventures dont le féminisme n'est pas une donnée morale et abstraite, mais une idée très organique et charnelle, motivée par l'appétit de vivre.
Ce que le film réussit le mieux réside dans son approche charnelle, quasi documentaire (la faute aux deux beaux comédiens), d’une intimité et de la place qu’elle occupe sur l’échiquier de la société italienne. En revanche, quand il multiplie les pistes et ambitionne de transformer sa chronique d'un deuil en thriller gore teinté de fantastique, il s’égare et échoue à cimenter ses différentes strates.
Au début, c’est assez drôle. On ne vous racontera pas la suite, mais tout va évidemment dégénérer (ce qui n’était pas difficile à deviner).Y compris dans le récit de Vinterberg, qui n’a pas le culot de Von Trier et va bientôt mettre de côté le potentiel explosif et anarchiste de son sujet pour suivre un peu maladroitement les rails de la psychologie et de la morale les plus convenues.
Dans "Les Equilibristes", la mort est invisible et pourtant, elle est partout. [...] Face à cette dureté, le film se montre aussi précieux que revigorant.
Le problème, c’est qu’à trop soumettre les éléments à un régime de soustraction (intrigue et personnages qui ne sont que des figures endormies) sous prétexte qu’il métaphorise un état de désolation propre à l’époque, le film perd en substance et ne laisse entrevoir que son squelette d’intentions avec ses plans au carré et son impassibilité ricanante.
On peut donc dans un premier temps être surpris·e par l’écriture assez sage de ce collage d’archives ressuscitant le Paris de sa jeunesse [...]. Mais la beauté du film tient à son aspect presque didactique. [...] "Paris Calligrammes" est un beau roman de formation.
Le film, réalisé sur le vif et sans grande ambition de forme, bat en brèche les clichés sur la vie des populations LGBTQ+ en banlieue, et dénonce de façon cinglante l'homonationalisme, qui voudrait dresser les unes contre les autres les populations discriminées.
S'il n'a pas l'ampleur d'un "Hérédité", "Relic" réserve quelques moments d'angoisse sourde (visions glaçantes de la démence sénile), et propose un regard profondément troublant (et troublé) sur la famille, les non-dits qui la terrassent et les secrets enfouis qui la vicient.