"Underwater" a un peu trop peur de l'épure pour se satisfaire de ces seuls éléments : il se sécurise, mais se perd aussi un peu en dégainant quelques monstres fort convenus, et beaucoup trop de jump scares. L'espoir entrevu d'une petite pépite froide et noire passe ; la friandise cameronesque demeure.
Passé le charme de l'ancien, tout devient hélas beaucoup plus agaçant. En nous projetant dans l'espace mental de son héroïne, le film s'enlise dans un tourbillon psychanalytique au symbolisme outrancier. Plutôt que de décrire ce cheminement salvateur du moi par la limpidité d'une métaphore comme chez Gray, "L'Autre" y projette à la place un cinéma théorique totalement recroquevillé sur lui-même et bien incapable d'émouvoir.
Toute l’intelligence du film est de partir d’une certaine impasse de son dispositif pour en tirer sa matière. (...) "Play" se mute en cet objet détonnant, qui progresse via des séquences impressionnistes narrativement mineures (...), déplaçant l’architecture de son récit non pas dans les scènes en soi mais dans leurs rapports, leurs interstices.
"L’Art du mensonge" a tout du dinosaure. (...) Hélas, l’animal en question ressemble davantage à un vieux crocodile arthritique qu’à un fier vélociraptor.
Outre nous faire humer la dureté d’un climat (...), "Echo" n’est animé que par le désir d’exhiber la mesquinerie des êtres, aveugles, qui ne savent ni vivre ensemble ni se regarder, accrochés désespérément aux écrans de leurs téléphones, nouvelles et uniques fenêtres sur le monde.
Mais la beauté du film tient tout entière dans sa mise en scène très douce. (...) Gu Xiaogang filme beaucoup les paysages, et ses personnages au cœur de ceux-ci. (...) C'est tout simple, sans volonté d'en imposer, et pourtant majestueux et bouleversant.
"Ghost Tropic" est un film qui lévite sur la ville, sur la société qu'il habite et sur le cinéma social dont il est le cousin éloigné. (...) Le réenchantement du monde proposé par "Ghost Tropic" est aussi modeste que sublime et engagé.
"Le Miracle du Saint Inconnu" est l'occasion de décrire avec humour un petit peuple rigolard et farceur (...) et quelques bras cassés assez désopilants, (...) puisant à la fois son humour dans le pince-sans-rire et l’autodérision. (...) Un très joli premier film.
C'est à la fois le drôle de happening, le rêve éveillé et, pourquoi pas, la plateforme réflexive du film, qui (...) précise le projet intrigant de la réalisatrice Gerwig : cultiver avec une grande intelligence une secrète complexification de l'empowerment, à travers des héroïnes dont les premiers soubresauts d'émancipation se trouvent contrariés intérieurement et se transforment en chemin.
Diao Yinan réalise un film virtuose et fétichiste, avec des mouvements de caméra très sophistiqués, des jeux de couleur travaillés, des acteurs qui prennent des poses étudiées. (...) Mais le film laisse un goût de déjà-vu,un peu vain aussi, sans doute parce que les personnages n'ont guère d'humanité.
Au moment où l'on se demande si le brillant du pitch de départ ne va pas s'essouffler, Okuyama nous mène au cœur de son sujet. Et le film va devenir un récit initiatique. Yura va mûrir, comprendre certaines choses, faire des choix. Tout cela a la grâce de n'être jamais dit, mais suggéré par la mise en scène, et c'est bien ce qui signe l'authenticité d'un cinéate. (...) La délicatesse y côtoie l'amertume, le tragique et un humour narquois, un peu kitsch.
Une spirale ascendante qui exauce tous nos rêves de fiction. Et ce, dès la première scène, leçon de cinéma inscrite à l’école buissonnière. (...) "La Vérité" est une comédie qui, comme toutes les bonnes comédies, s’écrit sur le fil du rasoir d’une cruauté embusquée qui foudroie la vanité.
J.J. Abrams certes donne le change : le programme n'a sans doute jamais été aussi copieux, varié en tons, en goûts, en émotions. Mais il loupe son rendez-vous avec la transcendance. Harangués par un tel titre ascensionnel et christique, on est en droit de s'en plaindre.
Ibrahim, Suleiman, Manar et Altayeb sont quatre vieux garçons gouailleurs, poussés par leur passion commune, quatre réalisateurs dont le talent aura été muselé par la dictature instaurée en 1989. Le film documente leur combat pour réanimer un vieux cinéma de quartier.
La grande idée de Satoshi Kon est d’imaginer que chacun de ses rôles se confond avec sa quête personnelle, comme si sa filmographie et sa biographie n’étaient que les deux faces d’un même ruban, ruban auquel la forme brillamment bouclée de Millennium Actress confère des airs de Möbius – comme si, en somme, Lynch avait piraté les œuvres de Sirk et Mizoguchi réunis.
Les séquences en temps réel, étirées à l’extrême qui frappent par leur justesse d'écriture (...) atteignent [la] vérité. (...) Qu'il le veuille ou non, Après la nuit n'est pas un film à effets, et tant mieux. Tout est nébuleux, laissé sans réponse, à l'image de cet amour dont on ignore s'il pourra un jour renaître.
Le cinéaste passe quasiment deux heures à faire circuler en bocal fermé des flux de désirs ardents dont la folie constitue le point d’incandescence, ce moment où les fantasmes tous azimuts – de Pattinson surtout, affolant de tension sexuelle –, las de se prendre le mur (de l’autorité, de l’aliénation, de l’Atlantique), finissent par exploser en une gerbe libératrice et meurtrière. Alors seulement, la lumière sera.
Il y a ceux qui transforment ce qu’ils touchent en or. Valerie Donzelli, elle, métamorphose tout ce qu’elle filme en comédie. (...) Notre dame est certes un conte plein de fantaisie, une bouffée d’air frais, mais il ne faut pas s’y tromper : le film a aussi les atouts d’une farce mordante sur la place inconfortable des créateurs dans la société et le procès parfois absurde fait à leurs œuvres.
Si le contenant est heureux, le contenu l’est un peu moins : parasitée par d’incessants flash-back et sauts géographiques, l’intrigue de 6 Underground se révèle particulièrement confuse alors que son argument un peu désuet lui offrait la possibilité d’une progression en ligne claire. Quant à la mise en scène, elle trouve sa générosité entravée par une confusion spatiale déroutante et un agrégat de registres visuels mal équilibré, à la limite de l'indigence.