Plus que le personnage de James Bond, c’est celui de Daniel DRAVOT dans ce film qui représente au mieux le talent de Sean CONNERY. Car si l’agent secret de Sa Majesté est le plus souvent symbole de virilité et d’hédonisme, il peut être considéré pour incarner l’ironie, mais surtout une certaine forme de patriotisme. Mais s’il incarne les mêmes valeurs, le patriotisme en moins, Dravot paraît beaucoup plus humain que son collègue espion.
Qu’est-ce qui motive Daniel DRAVOT pour se lancer dans cette aventure ? Si l’on peut croire au tout début de l’histoire qu’il est militaire et qu’il agit donc par patriotisme, on se rend vite compte qu’il n’en est rien : c’est un ancien militaire, aventurier de la plus belle eau et ce ne sont pas les scrupules qui l’étouffent. Non, lui, ce qu’il veut, c’est être le roi du Kafiristan, contrée légendaire qui n’aurait été conquise que par Alexandre le Grand, rien que ça.
Dravot ne se préoccupe que de son compagnon de voyage et d’aventures, Peachy CARNEHAN (Michael CAINE), envers qui il est d’une loyauté sans faille. On peut les croire animés de nobles intentions lorsqu’ils offrent leurs services aux habitants d’un village sous la menace d’une tribu voisine. Ils remportent une victoire facile, bien que leurs subordonnés ne présentent aucune disposition pour la guerre. Mais ils font cela pour prendre possession des deux villages et le pouvoir sur un peuple rural faible et désœuvré.
Au cours d’une bataille, par un heureux hasard, Dravot échappe à la mort et devient alors une sorte de dieu vivant, car considéré comme immortel, ce qui lui permettra d’accéder à la ville sainte de Sikandergul. Mais une fois arrivé sur place, le grand prêtre n’est pas dupe et soupçonne la nature humaine de son interlocuteur. Ce n’est qu’en voyant un pendentif représentant le symbole des francs-maçons, puisque les deux aventuriers appartiennent à la loge, le même symbole que celui laissé par Alexandre le Grand des siècles plus tôt, qu’il acceptera le règne de cet étranger.
Tout aurait pu s’arrêter là, si Dravot n’avait été rattrapé par sa nature profondément humaine. Son ego va le pousser à vouloir régner et donc agrandir et moderniser son empire, mais surtout à prendre femme, après avoir vu la superbe Roxanne (Shakira CAINE, la femme de…). Paniquée à l’idée de devoir subir les assauts physiques d’un dieu, et pensant ne pas y survivre, elle se rebellera contre son « bienfaiteur » et le blessera à sang, révélant par là même sa nature non-divine. Ce qui vaudra à Dravot et Carnehan la vindicte populaire. Alors que s’il avait écouté les conseils de son fidèle compagnon, plus sensé et réfléchi, moins instinctif, il serait reparti tranquillement avec tout ou partie du trésor local et serait revenu en Inde triomphant.
C’est dans ce rôle, au-delà du splendide récit d’aventures que ce film constitue, que Sir Connery peut exprimer tout son talent. Et il n’est guère que dans La colline des homes perdus (Sidney LUMET, 1 965) qu’il peut laisser exploser ses dons et faire preuve de subtilités dans son jeu. Car, reconnaissons-le, même si nous aimons tous Sean CONNERY (comment faire autrement ?), il a vécu son métier et sa carrière en dilettante et n’a donné qu’un ou deux aspects de son talent par rôle. Ici, il est tour à tour drôle, inquiétant, passionné, roublard, viril (bien sûr, mesdames, qu’il est viril), hautain, envieux et autoritaire. Sa complicité avec Michael CAINE étant plus qu’évidente, c’est sans doute ce qui hisse ce film, au-delà de la réalisation enlevée de John HUSTON, au niveau des plus grands films d’aventures de l’histoire du cinéma.