L'histoire d'un gars qui se rend compte qu'en dehors du cinéma et de « La roue de la fortune », la vie d'un smicard n'est pas vraiment belle et encore moins joyeuse.
Le seul reproche que l'on pourrait faire à cet uppercut social, c'est de choisir des personnages extrêmes, mais après tout, c'est sans doute le côté didactique retenu pour faire passer le message.
Le plus intéressant, c'est le parallèle que l'on peut tenter entre « Bubble » de Soderbergh, « Le Couperet » de Costa Gavras et cette nouvelle tentative de Belvaux.
Dans les trois cas, ce qui est sûr, c'est qu'il va falloir commencer à avoir peur des pauvres. Comme en 1790 ! Est ce à dire que l'on vit de moins en moins bien dans nos occidents ?
Dans un deuxième temps, on voit toute la palette des approches possibles, la documentaire de Soderbergh qui semble interroger à travers une vitre d'aquarium la vie des pauvres américains avec une fin aussi sordide que leur quotidien. Sans faire un chef d'oeuvre, mais en respectant les codes d'un cinéma de qualité dans le sérieux de la réalisation et du propos.
Il y a le chef d'oeuvre de Gavras, à la fois drôle, populiste, intelligent, profond et visionnaire sur ce qui va bientôt se passer, quand en plus des pauvres chômeurs, il y aura les retraités affamés.
Et il y a cette autre approche qui ne peut s'empêcher d'interroger les causes de la délinquance mais du côté moins drôle, sinon lugubre du roman réaliste sans recherche d'un cinéma spectacle.
On est plongé dans le monde des vrais prolos, avec leurs inséparables bouteilles, leur espoirs enterrés et leurs quotidiens plombés qui se maintiennent uniquement sur l'amitié virile et la solidarité féminine (mais c'est un côté peu développé dans ce film là). Et on mélange avec l'indispensable Bac 4 qui croyait se sortir du coron à coup de culture sans avoir eu la présence d'esprit de se rendre compte que la culture ne nourrit pas son homme, à part celle des potagers ouvriers. Enfin, il y a le personnage le plus attachant, celui de l'homme qui a déjà franchit la barrière une fois, celle de l'attaque à main armée. Ce n'est pas le plus con, mais c'est le plus beau, par son réalisme tellement pesant qu'il se sent obligé de faire encore une connerie pour simplement redonner un peu de joie de vivre autour de lui, alors que ça fait longtemps qu'il n'attend plus rien pour lui.
C'est le plus frustre et le moins sociable, mais il brille dans le film comme un diamant noir. Autour, on a une pléthore de profonds idiots, qui à force de persécution financières, intellectuelles ou sociales, ont renoncés à rêver mais aussi à réfléchir. Surtout le Bac 4 qui s'embarque sans beaucoup de préparation dans un truc qui n'est pas si facile. C'est ça qu'il y a de plus triste avec la pauvreté, c'est qu'elle vous englue dans un manque de perspective qui vous empêche de penser à ce qui vous arrive. Pour parfois s'en sortir ou pour réussir des choses, fussent-elles malhonnêtes.
La grande force de ce film, par rapport à ces camarades, c'est de montrer l'aspect humain de ces franco-belges qui ont une approche claire et structurée de leur situation, et de dépecer qui va commencer à s'engager dans un truc dangereux et sans retour en arrière.
A part dans la visite de l'usine d'acier, on évite les clichés de la gloriole ouvrière, ils se sont fait entuber depuis la naissance et sur 4 générations, mais ils savent maintenant que c'est leur faute. Et qu'ils n'arrivent à rien faire pour s'en sortir.
Le réalisateur s'attarde plus sur les conséquences psychiques et délictuelles de cette « petite » pauvreté.
Il n'y a pas d'humour, ou si peu, il y a des sacrées gueules, dont Melki, et un jeu absolument impeccable, et surtout une caméra très seventies, on se croirait parfois dans un polar contestataire à la Verneuil ou à la Corneau, ce qui faisait cruellement défaut au film de Costa Gavras un peu trop film TV.
Ici on a des plans en 16/9, des vues en hélicoptère superbes. Une construction de l'espace réfléchie, bref, que du bon.
Par contre, déprime assurée en fin de soirée. Sauf si vous êtes au dessus de 2000 Euros nets mensuels.