On reprochera sans cesse à Spielberg d'avoir souvent surjoué le style hollywoodien, d'avoir parfois un peu trop misé sur les clichés dans certains de ses films. Mais on ne peut nier son talent indiscutable. La Guerre des Mondes est sans doute un de ses meilleurs films, et le meilleur du genre avec Les fils de l'homme depuis le début des années 2000. Par bonheur, dès le générique, Steven Spielberg efface tous les préjugés en jetant un oeil malin en arrière. Une voix, chaude et légèrement ironique, semblant tout droit sortie des serials des années 50 (alors qu'elle sort de la bouche de Morgan Freeman), énonce la sourde menace extra-terrestre d'une manière péremptoire. Avec un grand coup de pelle, le réalisateur replante les racines d'un cinéma d'aventure en donnant à son film une allure rétro. Ainsi, dès le début du film, on sait qu'il ne s'agira pas d'un film très hollywoodien, mais un film qui va se concentrer sur un réalisme effrayant. Et c'est ça la grande, très grande force du film : Voir l'invasion à travers les yeux d'un homme lambda. Complètement en contre-emploi, Tom Cruise est un homme simple ; conducteur de grue, ex-mari et mauvais père, autant de rôles que l'acteur embrasse parfaitement, plus à l'aise même dans cette épaisseur soudaine. Il n'a pas de carrure de héros, il n'a pas de passé militaire, c'est un homme, avant tout. On est donc directement pris dedans, on pourrait être cet homme, perdu, qui se retrouve totalement impuissant face à ce qui arrive et à la responsabilité de ses deux enfants. Ainsi, La guerre des mondes joue sur deux genres opposés incroyablement bien maîtrises : l'invasion des extra-terrestres, en arrière plan, la grande aventure et des scènes d'attaques extra-terrestres comme on a toujours rêvé de les voir. Et le drame familial au premier plan, parfaitement énoncé, limpide et prenant. Les deux jouent au chat et à la souris mais dans leurs nombreux croisements, le film verse dans le magnifique. Aucun héroïsme n'est mis en avant, seul importe la survie et le voyage dans ce cauchemar éveillé. Le souci de réalisme qu'avait appliqué jusqu'à présent Spielberg paye enfin dans la grande aventure. Le réalisateur développe une odyssée réalise donc, au travers d'ahurissantes tableaux apocalyptiques. L'invasion écrasante et destructrice est filmée par le réalisateur à la volée. L’esthétisme est tout aussi splendide qu'il s'agisse de plans filmant la catastrophe, que le coté à se cacher en permanence qui rendrait claustro-phobique. Ainsi, quand Spielberg stoppe la carte de l'action, il mise avant tout sur la peur et la tension. Le réalisateur tend le spectateur en resserrant le drame à un huit clos. Ce resserrement de l'intrigue est alors le moment que choisit une tendance fâcheusement gériatrique de Spielberg pour refaire surface. Ne plus verser dans le larmoyant mais donner des leçons avec l'aplomb de celui qui a réfléchi longtemps à la vie. C'est ainsi tout cela, qui rend ce film unique en son genre. Le casting est irréprochable. Tom Cruise interprète sans doute l'un de ses meilleurs rôles au cinéma, les deux enfants sont tous les deux convaincants, et que dire de la figuration qui devait jouer gros dans le film, qui déborde de réalité et de peur. On ne peut qu'être choqué par la moyenne donnée par les spectateurs, serait-ce car ce n'est passez hollywoodien ? Ou alors, certains sont trop prétentieux pour se rendre compte à quel point l'homme est minable ? Peu importe : La Guerre des Mondes est le meilleur film de science-fiction des années 2000 jusqu'à maintenant. Grillé par 2h d'action et de réflexions, on ne peut que se féliciter de voir le cinéaste montrer enfin son vrai visage à travers un film qu'il a parfaitement maîtrisé.