Je tiens sérieusement à le dire, je n'attendais clairement rien du tout de ce "Born on the Fourth of July" : un film sur la guerre du Vietnam avec Tom Cruise ( jeune, qui plus est ), y'avait clairement pas de quoi me faire rentrer dans le tripe; surtout quand tu vois l'affiche, avec le drapeau ricain imprimé sur la face du bonhomme. Là, j'avais vraiment peur de tomber sur une oeuvre propagandiste et stupidement reaganienne. Sauf que dans cette analyse préliminaire, j'avais omis de considérer un facteur : c'est Oliver Stone qui se trouve à la mise en scène, ainsi qu'à l'écriture du film, aux côtés d'un certain Ron Kovic. Si le nom vous dit quelque chose, c'est que vous êtes plutôt du genre pointu; mais nous y reviendrons plus bas. Le soucis avec ce métrage ci, c'est qu'il est foutrement mal conçu; la première partie, bourrine et farcie d'une hideuse propagande américaine, lassera au point que viendra l'instant où l'on pensera irrémédiablement : "bon, j'arrête ou je continue?". Bien sûr, il sera bien plus prolifique de persévérer dans l'expérience, plutôt que de rater la suite, d'une incroyable puissance émotionnelle. Y'a pas à dire, le niveau est différent; l'écriture sème des incohérences sur le sillage du champ de bataille, perdant toute maîtrise lorsqu'il s'agit de montrer des combats. De même pour la mise en scène de Stone : c'est comme s'il en avait marre de montrer des scènes de fusillades et de mort ( expérience qu'il avait déjà éprouvée avec son chef-d'oeuvre, "Platoon" ), préférant se concentrer sur des histoires plus intimes, plus personnels, plus proches de nous, quoi. Le résultat est déchirant; contrairement à ses habitudes, Cruise n'écope pas du rôle d'un dragueur invétéré, non; le fait est que justement, le type est à contre-emploi, rendant sa prestation encore plus intéressante, unique et désespérée. Le jeune homme se montre alors sous son meilleur jour, ainsi que terriblement impressionnant, comprenant alors que sa prestation cèlera le fil de sa carrière. A vie. A en voir son succès actuel, je vous laisse vous interroger sur la qualité de sa prestation. Évidemment, l'homme est prodigieux; touchant, humain, proche du spectateur de par son humanité, il impressionne autant qu'il émeut; c'est surtout grâce à son jeu que j'ai, par maintes fois, senti les larmes monter jusque vers mes yeux. Bien sûr, ses efforts sont appuyés par l'écriture de qualité ( seulement en deuxième partie de film, après la période guerrière; pas trop longue, d'ailleurs ). Si les dialogues sont finement ciselés, la qualité viendra surtout des évènements qui se déroulent sous nos yeux. Tout est réaliste, dès lors que Tom revient à la vie "normale", à la vie civile. Original à t'en arracher des larmes de douleur, à t'en refiler des hauts le coeur, le film avancera une réelle profondeur psychologique, ainsi qu'un réalisme sidérant. Car "Né un 4 juillet" n'est pas un film de guerre; non, lui, il est plus que cela; bien plus. "Né un 4 juillet", c'est un conte sur la décadence de l'homme, sur son manque de compassion à l'égard de son voisin qui, l'ayant protégé dans une guerre, et revenant défaitiste, en a perdu jusqu'à l'usage de ses membres. Reste à Tom Cruise d'ajouter, le pensant si fort qu'il semble même le dire : "pourquoi, juste, pourquoi ai-je détruit ma vie?" "Né un 4 juillet", c'est l'histoire de toute une génération de jeunes envoyés au casse-pipe, d'une génération de pauvres types embrigadés dans un engrenage de la violence, dans une peur du rouge sang; l'homme devient requin, et s'y déchire les nageoires, jusqu'à repeindre le drapeau ricain de son propre sang. Car "Né un 4 juillet", c'est un constat désillusionné sur l'histoire toute récente d'une société qui a déçu et abandonné ses enfants, les a manipulés pour ses intérêts personnels, et a recouvert le sol vietnamien des cadavres décharnés de ses gosses apeurés. Je n'invente rien, tout est dans les livres d'histoire, les photographies historiques ou ce film, même. "Né un 4 juillet", c'est aussi et surtout la lettre désopilante d'un homme blessé à la guerre, de Ron Kovic, le vrai, auquel je faisais précédemment référence, et qui signe ce film de son passé sanglant, de ses rêves humides de trop de larmes. Le film, magnifique, plonge une partie de cette société "idéale" dans la terreur; car ces pauvres gars, ces G.I.'s sacrifiés, une fois revenus, n'ont trouvé que la méfiance, le mépris et la nostalgie de leur vie d'avant.
Entre psychose et autres névroses, voilà un tableau défaitiste de dépeint; l'Amérique n'est en rien le pays des droits de l'homme, en témoigne cette conclusion ironique sur la réelle personnalité de cette nation nourrie d'apparences et de rêves avortés, de vies espérées et d'existences détruites. Au grand dam de Ron, la vie de Kovic a fait de Tom une star.