Pendant des années, depuis 1986 pour être précis, en parallèle de ses longs-métrages, Jim Jarmusch a filmé épisodiquement ces onze séquences en noir et blanc, en fonction des disponibilités du vaste carnet d’adresses qui défile à l’écran, acteurs comme Steve Buscemi, Bill Murray ou Roberto Benigni ou stars de la musique comme Tom Waits, Iggy Pop ou RZA. L’idée était de reproduire pour chaque court-métrage ce dispositif éminemment existentialiste que sont la table de bar, les cigarettes et le café. L’addiction à ces deux dernières substances peut constituer le thème central de la discussion ou simplement servir à la mise en situation : d’une certaine manière, ‘Coffee and cigarettes’ s’amuse surtout de ces conversations qui débutent sur une malentendu, se poursuivent dans le malaise et se terminent dans une impasse. Qu’il s’agisse d’Alfred Molina qui tente d’amadouer un Steve Coogan hautain dans l’espoir d’une collaboration ou de Cate Blanchett qui reçoit sa cousine à problèmes et s’efforce de se montrer aimable, toutes les personnalités invitées jouent leur propre rôle. Comme toute anthologie qui se respecte, le résultat se montre fatalement très inégal : certains sketches sont très réussis : ce sont les plus surréalistes ou les plus acides, ceux qui parviennent à faire partager totalement la gêne des deux convives (Molina/Coogan et Blanchett/Blanchett, je ne les ai pas cités pour rien). D’autres, singulièrement ceux mettant en scène des vedettes de la musique, ne mènent nulle part et semblent malheureusement surtout se reposer sur la supposée coolitude de ceux qui y apparaissent. Pour amusant et spirituel qu’il puisse être par moments, ‘Coffee and cigarettes� donne aussi parfois l’impression, à d’autres moments, d’être vain et branchouille, dans le mauvais sens du terme.. Plus qu’une anthologie solide, il s’agit surtout d’une accumulation de fonds de tiroirs, dont Jarmusch a toujours prétendu, avec une insigne mauvaise foi, qu’ils ne répondaient à aucun plan de carrière bien défini...ce qui, du reste, n’empêche pas la qualité occasionnelle. On peut surtout se demander si, à part Jim Jarmusch, quelqu’un d’autre aurait un jour songé à concevoir une telle succession de courts, éloignés à ce point les uns des autres dans le temps, autour d’un concept qui n’entretient la plupart du temps qu’un rapport strictement indirect avec le contenu. En tout cas, voilà, depuis une dizaine d’années, c’est fait, et on peut passer à autre chose.