La première fois que j'ai vu L'ESQUIVE, j'avais détesté, c'était viscéral.
Puis, j'ai eu la bonne idée de me décider à la voir une deuxième fois, quelques années plus tard. Le terme bonne idée ne relève pas d'une autosatisfaction permanente et absolue, mais de la joie de m'être rendue compte que "oui, la première fois, j'étais passée à côté".
Certes, il faudrait mettre des sous-titres lors de la première scène, car, habitant au coeur du 93, il m'est pourtant arrivé de ne pas tout saisir. Certes, certaines scènes sont longues. Certes, certains passages sont trop adolescents pour être vraiment dignes d'intérêt d'un point de vue universel.
Mais, l'Art de Kechiche réside véritablement en une mise en scène subtile, et jusqueboutiste du JEU DE L'AMOUR ET DU HASARD de Marivaux. ce n'est peut-être pas entièrement conscient : puisque Sara Forestier, comme Lisette, est en-dessous de son rôle, car elle perd de sa crédibilité à en faire des tonnes, et Krimo, est au-dessus de son rôle, car il gagne en sincérité par son absence quasi-permanente.
Il ne s'agit pas d'un film "social", ou "engagé" de manière explicite, puisque le centre du film, de ce jeu permanent avec le langage, c'est la pièce de Marivaux, exploitée avec beaucoup de finesse. Néanmoins, Kechiche nous montre un portrait authentique d'une banlieue en semi-crise, et nous amène, non pas à nous en esquiver, mais à nous en rapprocher.