Ce qu'il y a de pernicieux avec Stupeurs et Tremblements, c'est que l'auteur assume un roman qu'elle décrit comme une auto-biographie contenant une bonnes dose d'éléments fantasmés et fantaisistes. On mêle donc le factice et l'authentique.
Il y a donc cette héroïne qui n'est autre qu'Amélie Nothomb, qui débarque au Japon dans le but de réintégrer sa culture originelle, mais qui bien vite se rend compte de l'incompatibilité de sa personnalité avec les traditions et conventions japonaises.
Si l'on est prêt à accepter une bonne partie des faits présentés à l'écran, on peine tout de même à déceler le vrai du faux. Que s'est-il vraiment passé? Les Japonais sont-ils vraiment comme on nous les montre? J'ai des doutes sur cette dernière interrogation.
En réalité, le film m'a laissé l'amer sensation de n'être qu'un exutoire caricatural aux frustrations de Nothomb, qui, dans un élan d’ethnocentrisme, ne s'est pas gênée pour modifier quelque peu la réalité, afin de réduire la culture japonaise à une cage émotionnel abaissant une majorité de nippons à l'état d'êtres mesquins, jaloux et complexés comme chacun de ses supérieurs hiérarchiques. Du coup, Nothomb semble passer pour la petite victime à qui personne n'a voulu donner sa chance...j'ai des doutes, vu la stupidité évidente qu'elle s'applique à présenter comme un trait majeur de sa personnalité.
En dehors de ce scepticisme vis-à-vis de la réalité des faits, qui finalement concerne surtout le livre, le film se tire une balle dans la tête de biens d'autres façons.
En premier lieu, il s'efforce avec application de tomber dans le piège à éviter lors d'une adaptation littéraire. C'en est tellement pathétique qu'on se demande si ça n'est pas fait exprès. Il s'agît bien sûr de la fameuse voix-off lisant bêtement des passages (mal écrits) du roman. Une voix-off se justifie lorsqu'elle met en exergue des réflexions approfondies ou qu'elle ajoute une certaine poésie à l'ensemble du métrage. En l'occurrence, dans ce cas précis, la voix monocorde de Sylvie Testud s'adonne à la lecture sans saveur d'un texte qui ne fait que décrire ce que l'on voit déjà à l'écran. En somme, le réalisateur nous prend pour des cons dans son ultime maladresse et ne parvient pas à suggérer les choses uniquement par l'image. Les touches humoristiques de cette même voix-off? De l'humour à la Nothomb puisant dans la comparaison saugrenue mais facile, nullissime donc.
Que dire de la caméra d'Alain Corneau, elle qui s'essaie, lors des rares moments d'évasion au-dessus de la ville de Tokyo, à captiver son public par une envolée poétique, mais qui tombe malheureusement comme un cheveux dans la soupe. Jamais vu quelqu'un filmer aussi mal une ville aussi splendide que Tokyo. Quant à la musique je n'ose même pas en parler.