Arthur Penn débute là où Frank Darabont, avec Les Evadés (1994), termine : deux hommes s’évadent de prison et remuent ciel et terre pour s’en sortir indemnes. Raté ! L’un des deux prisonniers, Bubber, interprété par un Robert Redford encore à ses débuts, est trahi par son compagnon de cellule, et erre seul dans les plaines du pays de l’Oncle Sam. 6 ans avant Le Parrain, Marlon Brando, érigé en symbole de la justice, va tout faire pour le poursuivre, d’une façon galvanisée et, a fortiori, impitoyable. Mais ce qui est impitoyable dans le chef d’oeuvre d’Arthur Penn, c’est bel et bien la réaction apodictique des citoyens face la fuite de « Bubby ». Vice exacerbé, justice ébranlée. Voilà donc le message inhérent à l’oeuvre de Penn : même à l’heure de sociétés modernisées et éveillées, algarades et injustices demeurent primus inter pares. Comment faire régner une justice collective dans un pays torpillé, transcendé et tourmenté par les rancoeurs individuelles ? Le shérif texan Marlon Brando veut faire primer la loi, là où les habitants privilégient une justice par eux-mêmes, par bassesse ou par vengeance. Nous tenons ici la plus grande force résidant dans ce film, qui résonne encore davantage aujourd’hui : Arthur Penn se permet d’esquiver les interminables soubresauts des intrigues du genre pour ne peindre ce qu’il entoure, ce qu’il perçoit, ce qu’il vit et ce qu’il voit. Au spectateur de se créer un avis. Toute la société se cristallise et se fragmente de façon éclatante autour de cette poursuite impitoyable, violente, mesquine et presque méphistophélique. Ainsi, le film témoigne de l’atmosphère intrinsèque des Etats-Unis à la croisée des années 60 : raciste, sexiste et violente. Elle ne va pas sans rappeler des films tels que Detroit ou Mississippi Burning. La traque infernale manque, certes, subrepticement de suspense. Toutefois, assez savamment, le film enivrant de Arthur Penn réussit à mettre les mots sur les maux.