Lorsqu'une innocence jeune femme, destinée à n'être qu'une demoiselle de compagnie, rencontre à Monte-Carlo Maxim, un riche veuf, puis se marie avec lui, elle ne se doute pas alors que l'ombre de l'ex-femme de celui-ci se fera de plus en plus présente, notamment dans son château de Manderley...
Premier film américain d'Alfred Hichcock, Rebecca est, aussi surprenant que ça puisse paraître, son unique oeuvre à décrocher la statuette de l'oscar du meilleur film. En adaptant le roman de Daphné du Maurier, le maître du suspense m'a aussi offert l'une de mes plus belles, premières et mémorables claques en matière de cinéma, et c'est avec un panel d'émotion intact que je la redécouvre aujourd'hui. Le scénario adapté est un bijou d'écriture, permettant à Hitchcock de dresser des portraits aussi riches qu'ambigus, avec comme arrière-plan ce château froid, obsédant et maléfique qui en devient un personnage à part entière.
Dès les premières secondes puis la rencontre au bord de cette falaise, il met en place une atmosphère envoûtante qui va peu à peu devenir obsédante et sombre. Il étudie les deux protagonistes puis les relations qu'ils auront entre eux, sans oublier une terrifiante femme de chambre qui reste avant tout dévouée à l'ancienne femme de Maxim. Peu à peu, il place son héroïne, déjà réservée à la base, dans la peur, le doute ou encore la paranoïa, ce que les éléments extérieurs vont peu à peu accentuer (les réactions de son mari lorsqu'on évoque son ex-femme, le château, diverses rencontres etc), tout comme la hantise de Rebecca dont l'ombre plane tout le long sur le récit. Hitchcock se sert de tous ses éléments pour accentuer son ambiance pesante et noire, tout en y laissant flotter un parfum envoûtant et mystérieux.
Bien qu'il soit majoritairement dans le drame, Rebecca bascule parfois dans le thriller, permettant à Hitchcock d'aborder des thèmes qui lui sont chères tels que les soupçons, le crime et ses tentations mais aussi les psychoses et obsessions, et il orchestre son récit avec brio et génie. Il met en place une tension constante et s'accentuant au fur et à mesure que son récit avance, rendant ses tableaux obsédants et pertinents. Tout semble parfait et totalement maîtrisé par le maître, tant son récit, le rythme ou la justesse des dialogues. L'oeuvre offre quelques rebondissements parfois inattendus mais ça reste tout le long mis en images avec finesse et sans lourdeur, Hitchcock est alors au sommet de son art, c'est aussi passionnant que propice à nous faire passer par tout un lot d'émotion.
Il a aussi le sens du détail, retranscrivant à merveille toute la particularité du château, que ce soit son intérieur et l'ambiance qui s'en dégage. Les décors sont somptueux, tout comme la belle photographie en noir et blanc et plusieurs séquences sont marquantes et mémorables. Il ne laisse rien au hasard et sa maîtrise technique est parfaite, sachant bien retranscrire toute la richesse de l'œuvre de Daphné du Maurier. Devant la caméra, Joan Fontaine est inoubliable et d'une justesse incroyable lorsque son innocent personnage est poussée à la folie, tout comme le grand Lawrence Olivier, d'une présence immense ainsi que l'inquiétante Judith Anderson.
Une œuvre époustouflante et brillante, Hitchcock pose pied sur le sol américain d'une manière aussi marquante que remarquable, sachant bien retranscrire toute la noirceur et fascination de son récit, dressant des tableaux ambigus et dégageant tout un panel d'émotion.