Percutante, douloureuse, l'histoire de Souleymane révolte. C'est l'histoire des riens plus rien que rien : Les immigrés, boucs émissaires commodes, hier comme aujourd'hui, de tous les problèmes en vogue. Souleymane, c'est le nom d'une de ces innombrables personnes déracinées, jetées sur les routes à la faveur des crises multiples qui accablent les pays africains. C'est un destin déchirant car il est d'une violence inouïe tout au long du voyage (Voir "Moi Capitaine" de Matteo Garrone), et qu'en Europe, c'est une nouvelle vie de galères qui s'annonce. Un travail éreintant de livreur à vélo (Ce lumpenprolétariat du XXIe siècle) pour tenter de joindre les deux bouts et aider la famille, le manque d'empathie/la bêtise de certain(e)s client(e)s, la misère, le racisme, l'attitude honteuse de certains représentants des forces de l'ordre - garants, parait-il, de nos institutions -, la solitude… Le quotidien de Souleymane, c'est l'intersectionnalité dans toute son horreur. Mais, cette misère n'est pas tout. Même quand la nuit est noire il y a toujours un peu de lumière, et la lumière pour Souleymane, c'est cette chaleur humaine, tenue, qui par moments se dégage de ses rencontres. L'humanité des frères guinéens, ivoiriens, maliens, etc., repères les uns pour les autres dans un environnement tellement différent du pays ; ce vieux monsieur, pour lequel Souleymane montre le respect dû aux anciens en Afrique et dont nous serions, nous autres occidentaux, bien inspirés ; les compagnons du centre d'hébergement ; les bénévoles d'associations humanitaires, et cette femme de la demande d'asile. Cruelle en apparence, sensible cependant, désemparée seulement de n'être qu'un petit rouage de la chaîne. L'Histoire de Souleymane est universelle autant qu'elle appartient à Abou Sangare, son interprète. C'est l'histoire d'Êtres Humains qui tentent de s'en sortir dans un système profondément dégueulasse. Leur destin est suspendu à une décision administrative, dernier clou de l'injustice crasse qui ne cesse de les frapper. Comble du désespoir, les Souleymane, les Abou Sangare, sont aujourd'hui la cible d'autres pauvres, intoxiqués par la propagande politico-médiatique. La bourgeoisie a encore de beaux jours devant elle ; pauvre humanité !