"C'est quoi votre histoire à vous ?"
Le nouveau film du réalisateur-scénariste Boris Lojkine (Camille), récompensé par les Prix du Jury et du Meilleur Acteur dans la section "Un Certain Regard" à Cannes, met en images une course quasi-incessante, devant aboutir au récit d'une histoire inventée de toutes pièces.
Voguant quelque part entre le cinéma social de Ken Loach et la mise en scène immersive (en mode caméra à l'épaule, collant aux basques de notre protagoniste) d'un Paul Greengrass, le film, se déroulant sur 48h, est construit comme un contre-la-montre dans lequel Souleymane doit tout faire pour récupérer les infos et les documents dont il aura besoin pour passer ce fameux entretien, qui lui permettra peut-être d'avoir accès au sésame, et ce alors que les difficultés et les déconvenues se multiplient pour lui.
Une œuvre qui, de par son rythme sous tension et l'arc narratif de son personnage principal (même si le sujet traité n'est pas tout à fait le même), m'a pas mal fait penser au très chouette «À plein temps» avec Laure Calamy.
Un film taclant au passage l'uberisation de la société, illustrée ici au sein de cette fourmilière bruyante que représente Paris.
Un film pouvant compter sur la très bonne interprétation de son acteur (non professionnel) Abou Sangare, qui porte le film sur ses épaules. Le fait que ce dernier se trouve dans une situation similaire à celle du personnage qu'il interprète rend la frontière entre réalité et fiction encore plus floue.
Une sorte de thriller social au dispositif narratif un peu trop bien rôdé dans son déroulé, si bien qu'il n'y a que peu de moments qui m'ont véritablement désarçonné et/ou touché.
Un film efficace, qui semble retranscrire avec pertinence le quotidien d'un demandeur d'asile, et qui évite intelligemment de tomber dans le piège du misérabilisme.
Un film qui marche le mieux dans ses scènes les plus intimes, les plus simples, à base de champ/contre-champ, qu'il s'agisse de l'échange nocturne qu'a Souleymane avec sa "compagne", et en particulier de son entretien final.
Quand Souleymane sort du narratif longtemps préparé et répété, et qu'il raconte son histoire, sa vérité. Une vérité qui sera entendue, ou pas. Mais ça, c'est une autre histoire.
Un film qui tenait clairement à cœur à son réalisateur et interprété par un acteur sincère.
Une œuvre maîtrisée, et dans laquelle j'aurai voulu embarquer davantage.