On vit avec une intense émotion la difficulté de cette institutrice en 1889. C'est lié à la difficulté de survivre dans ces campagnes, avant celle d'être heureux, ou simplement épanoui ; c'est lié à la difficulté d'être d'une femme, qui plus est, institutrice, et blessée par la vie avant de l'être (bravo Alexandra Lamy) ; c'est lié aussi et enfin à la difficulté de l'enfant pour devenir adulte. Tout cela est intensément représenté et interprété dans ce monde de taiseux. D'où l'émotion.
Louise Violet le film est un western comme on en manque. Les Américains savent faire revivre leur conquête à eux. La France, non. Sauf quand un roman l'a fait avant et qu'un réalisateur le met en scène, genre La Reine Margot, d'Artagnan, Germinal... Et pourtant notre conquête à nous est bien plus méritoire qu'aux États-Unis, car elle se heurtait à des siècles d'histoire, donc de difficulté. - Ce n'est pas non plus propre à la France, c'est le cas de tous les vieux pays.
Ces difficultés, on se les représente mal aujourd'hui. Pas de lumière le soir venu, l'absence de transport, le froid, la faim. Même les paysages, dans leurs beautés, étaient cruels. L'ignorance faisait régner le chaos (c'était le moyen-âge dans les faits et dans les têtes), au point que l'idée même de progrès devait forcément apporter un changement des plus néfastes à l'existence (où les gens avaient déjà du mal à survivre).
L'histoire n'a évidemment rien d'original. Si ce n'est celle du maire (bravo Grégory Gadebois), dont l'amour bonhomme est d'une infinie tristesse (il propose le mariage comme on propose un resto). L'originalité est d'en avoir fait un film. Car sous des apparences d'êtres sous-développés, l'auteur a su faire dire à chacun des personnages des choses intelligentes, sensibles, mais enfouies... sur le choix, sur la liberté, sur l'enfant, sur la femme. "Faire des lois, ça rend pas les choses possibles" dit l'un. "À qui dieu se confesse-t-il ?" demande l'institutrice au curé. Etc.
A.G.