Troisième enquête de Hercule Poirot version Kenneth Branagh sur grand écran, "Mystère à Venise" se pare cette fois d'une ambiance teintée de surnaturel en adaptant "La Fête du Potiron", où le brillant esprit rationnel du détective va être mis à rude épreuve durant une séance de spiritisme aux conséquences meurtrières.
Pour le reste, on ne change pas une équipe qui gagne (enfin... on avait préféré "Mort sur le Nil" au "Crime de l'Orient Express" mais on était encore loin d'avoir un franc enthousiasme pour cette resucée contemporaine des aventures de Poirot): un Kenneth Branagh aussi à l'aise derrière la caméra pour charmer l'oeil du spectateur à l'aide du cadre rétro de l'enquête que manifestement toujours très heureux de se filmer lui-même en tant que pilier central du long-métrage, un casting quatre étoiles dans le rôle des suspects (Tina Fey, Michelle Yeoh, Jamie Dornan, Kelly Reilly, Camille Cottin, etc) et, évidemment, une partie de Cluedo à taille humaine qui va cette fois se situer dans un palazzo possiblement hanté par tout un tas d'enfants fantômes (dont la fille de la propriétaire des lieux).
Si vous êtes familiers des deux précédents films, vous évoluerez donc en terrain connu, voire même un peu trop, Kenneth Branagh se contentant de réappliquer la même formule introductive (de façon plus expédiée) et un déroulement global plus que similaire aux derniers faits d'armes du détective, sans doute certain de la familiarité acquise du public pour ce personnage et que le nouveau climat surnaturel suffise à renouveler les règles connues du whodunit façon Agatha Christie.
Ce n'est que très partiellement le cas, l'atmosphère lugubre a beau être présente, et de jolie manière de surcroît (Branagh s'essayant parfois à quelques extravagances pour nous y immerger), l'opposition entre l'esprit cartésien de Poirot et les événements qui tendent à le faire douter sonne aussi archaïque que le classicisme des surgissements de ce possible registre fantastique dans cette murder-party d'Halloween old school.
De plus, on a l'a déjà évoqué mais impossible de passer outre l'ego de Kenneth Branagh qui vampirise une fois de plus tout le film de sa figure Poirotée, asservissant le potentiel de la quasi-totalité des autres personnages dans l'unique but de faire briller le sien. Ainsi, le plus intéressant (et touchant) des suspects sera sûrement ce médecin vétéran incarné par Jamie Dornan, mais seulement parce qu'il n'est qu'un instrument pour renvoyer Poirot à la noirceur intime de ses propres blessures, la plupart des autres n'auront pas cette chance, réduits aux simples pions de ce jeu meurtrier à twists malgré le fait qu'on aurait clairement aimé passer plus du temps en leur compagnie (la romancière très vive jouée par Tina Fey pour ne citer qu'elle).
Et puis, il faut bien dire que l'enquête principale n'est pas des plus passionnantes (la plus faible des trois longs-métrages), débouchant sur une révélation finale sans grande surprise, que l'on ait lu le roman ou non, et se retrouve même supplantée par de bien meilleurs rebondissements annexes qui, eux, ont le mérite d'enfin rendre un minimum justice à certains protagonistes piégés dans la toile tissée à la gloire permanente de Hercule Poirot.
Bref, malgré les efforts déployés pour son ambiance, "Meurtres à Venise" remporte moins nos suffrages que son prédécesseur. Le charme suranné d'un whodunit d'antan est bien là mais les quelques nouveaux éléments qui y sont mêlés ne suffisent pas à gommer ce sentiment de bis repetita, pas déplaisant en soi mais trop vain au vu des talents convoqués et parfois desservis par l'omniprésence de leur chef d'orchestre à la moustache frisottante.