Whodunit sur la lagune
Agatha Christie - Kenneth Branagh devant et derrière la caméra – Michael Green à l’adaptation, on ne change pas une équipe qui gagne. C’est donc leur 3ème partenariat, avec ces 104 minutes dans la lignée des précédents, même si cet opus tire nettement plus vers l’épouvante et le surnaturel. Poirot reçoit chez lui une vieille amie, Ariadne Oliver, plus grande écrivaine de romans policiers au monde, qui lui assure que le motif de sa visite n’a aucun rapport avec un crime : elle souhaiterait qu’il l’accompagne à une séance de spiritisme et lui permette de prouver qu’il s’agit d’une imposture. Intrigué, Poirot accepte à contrecœur d’y assister et se retrouve alors dans un palais décrépi et soi-disant hanté, appartenant à la célèbre cantatrice Rowena Drake … Quand on sait que celle qu’on surnomme la Reine du crime a, durant ses 50 ans de carrière, signé 66 romans policiers, 150 nouvelles et plus de 20 pièces de théâtre, qui se sont vendus à deux milliards d’exemplaires - seule la Bible et William Shakespeare ont fait mieux ! -, on se dit que Branagh n’a pas fini de nous amuser, de nous passionner… ou de nous ennuyer – selon les goûts – avec ses polars d’un autre temps, mais qui, sous ses airs surannés, fonctionnent toujours aussi bien.
En réalité, il s’agit ici d’une adaptation très libre de La fête du Potiron - Hallowe'en Party - signé par la « reine du crime » en 1969. On est à Venise, veille de la Toussaint, quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est là que vit le célèbre détective, aujourd’hui retraité. Après avoir consacré sa vie à élucider des crimes et avoir été témoin de ce qu’il y a de pire chez l’être humain, il a renoncé à sa vocation d’enquêteur. Et s’il fait tout pour éviter d’être confronté à des affaires criminelles, ce sont souvent elles qui le rattrapent… Un huis-clos, un meurtre, une flopée de coupables réunis pour le meilleur et surtout pour le pire. Sans doute moins d’humour que d’habitude, mais un soin tout particulier apporté aux éclairages, à la photo, aux cadrages, aux effets spéciaux et au montage très rythmé. Le fait d’avoir « exporté » l’intrigue d’un manoir anglais vers un palais vénitien nous offre quelques superbes vues sur la cité des doges. L’intrigue est resserrée sur une seule nuit, respectant ainsi les 3 unités chères à la tragédie classique – temps, lieu, action -. Comme d’habitude, la critique institutionnelle fait la fine bouche sur les « Agatha Christie » de Kenneth Branagh. Et pourtant, si ça ne fait pas dans le génie et la grande nouveauté, ça fonctionne, tient en haleine et distrait autant que faire se peut… Que demander de plus ?
Kenneth Branagh, Tina Fey, Camille Cottin, - qui poursuit son ascension au-delà des frontières hexagonales -, Kelly Reilly, - dont c’est ici le 5ème film à sortir en 2023, c’est vous dire si la dame est demandée -, Michelle Yeoh, Jamie Dornan, Ricardo Sacamarcio, Jude Hill, parmi une distribution pléthorique. Un très beau casting, un climat anxiogène, pour une grande parie de Cluedo qui se révèle sans aucun doute le plus réussi des 3 opus consacré à Agatha Christie. A votre tour d’agiter vos petites cellules grises chères à Hercule Poirot.