En s’inspirant d’un fait divers troublant (une institutrice enceinte d’un élève de 12 ans), Todd Haynes renonce au sensationnalisme attendu. Son récit ne scrute pas le scandale, mais l’après, où une actrice vient se nourrir de l’essence de l’épouse pour l’incarner à l’écran. Ce choix, tout du long du métrage, éclaire une réflexion sur l’identité.
"May December" brille par une mise en scène hyperconsciente où Haynes ausculte la bourgeoisie américaine avec précision et où chaque élément participe à un tableau glacé, clinique. Pourtant, cette rigueur génère, chez moi, un sentiment d'ennui.
À mesure que l’intrigue progresse, l'actrice "absorbe" Gracie, jusqu’à flouter les lignes entre imitation et incarnation. L’identité, dans ce film, n’est jamais un ancrage stable, mais un masque façonné par des forces extérieures, des rôles sociaux ou des attentes médiatiques.
Elizabeth devient le double de Gracie, non pour la copier, mais pour la réinterpréter, reconstruisant sa mémoire et ses contradictions. Ce miroir à double sens ne reflète pas seulement Gracie, mais renvoie aussi Elizabeth à ses propres dilemmes existentiels. La performance devient alors une relecture subjective, une passerelle troublante entre l’intime et le collectif, entre le réel et le simulacre.