Adaptation cinématographique de la pièce éponyme (avec déjà Michel Serrault), "La cage aux folles" est un vrai séisme dans le paysage cinématographique français. Et pourtant, il ne fait que confirmer à l’écran l’évolution des mœurs qui a secoué les années 70, encore que (et c’est encore un peu vrai de nos jours) l’homosexualité et la transexualité restent encore de nos jours tabous, certes à un degré différent. C’est sans doute ce qui explique en partie que le film d’Edouard Molinaro soit devenu culte, surtout après le succès retentissant de la pièce qui s’est jouée à travers la France durant 5 ans. Pour le reste, d'une part c’est le fait que ça a été traité avec beaucoup d'humour, et d'autre part c'est devenu culte aussi en raison du rôle d'anthologie de Michel Serrault qui a gravé à jamais la mémoire du spectateur en poussant au diable vauvert les limites du ridicule. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’acteur se donne à fond, lâchant la bride comme il l’avait fait lors des représentations planchéiées. Et tel un comédien qui donne le la, il entraîne dans son sillage Benny Luke en Jacob. Bien sûr Ugo Tognazzi est là pour donner parfaitement la réplique, toutefois avec beaucoup plus de tact et de raffinement, quoique les comportements sont assez maniérés. Et pour avoir eu dans ma famille quelqu’un d’homosexuel (paix à son âme), je peux dire que le jeu d’Ugo Tognazzi en est très proche. Et le duo vedette nous gratifie de quelques scènes particulièrement savoureuses, dont la célébrissime scène de la biscotte. Mais est-ce pour autant un chef-d’œuvre ? En 78, peut-être. Mais aujourd’hui… reconnaissons que ce film a quand même pas mal vieilli, bien qu’il soit encore d’actualité par les convenances et le qu’en dira-t-on. La bande son souffre d’une résonnance assez désagréable à l’oreille quand Renato retrouve la mère de son fils. Et puis l’image mériterait aussi d’être restaurée, si on se fie à ce qui a été diffusé sur le petit écran par un après-midi du 3 janvier de l’an 2019. Remarquez, cette image vieillotte remarquée dès la première vue sur le cabaret a l’avantage de plonger le spectateur dans une époque révolue et dont les derniers volutes sont archivés sur les pellicules. En réalité, ce qui me gêne le plus c’est la mise en scène un peu trop théâtrale. Pour être plus précis, les acteurs évoluent trop de façon à aménager leurs effets auprès de ceux qui les regardent. Edouard Molinaro semble avoir oublié qu’il tournait un film. Son long métrage aurait gagné en qualité si le rythme avait été plus soutenu ! Evidemment, la durée du film s’en serait retrouvée écourtée, ou alors c’était l’occasion d’apporter des anecdotes gaguesques supplémentaires, quitte à un peu trop en rajouter par rapport à l’œuvre originelle, ce qui a d’ailleurs été déjà fait en plaçant la caméra sur le périple des Charrier. Et ma foi, de ne pas décliner "La cage aux folle"» en huis-clos comme c’est souvent le propre des pièces de théâtres est assez bien vu car cela permet à Michel Galabru de nous régaler de ses mimiques quand il commence à entrevoir le pire. Et c’est même lui qui enfonce le clou du spectacle ! Il n'en reste pas moins un grand classique de la comédie française, et constitue une vitrine parfaite du temps où le cinéma français osait oser.