Pas sûr qu'il sera encore possible de créer des liens d'amitié avec d'autres vacanciers après un film comme "Speak No Evil" !
Du moins, comme cette relation qu'une famille danoise noue avec une autre hollandaise lors d'un séjour en Toscane. Bjørn, à l'existence cadenassée par son statut de mari/père bourgeois, est plus particulièrement séduit par Patrick, son double hollandais visiblement bien plus épanoui dans ce rôle. Ainsi, lorsque rentrés depuis quelques temps au Danemark, Bjørn, son épouse Louise et leur petite fille Agnès reçoivent une invitation de ces connaissances pour séjourner un week-end avec eux en Hollande en souvenir de leurs bons moments passés tous ensemble en Italie, c'est avec joie qu'ils acceptent. Une fois sur place, la cohabitation entre les deux familles prendre une toute autre tournure que leur première rencontre...
Dès lors, le bien nommé "Ne Dis Rien" va prendre tout son sens avec l'état de malaise grandissant dans lequel il place sa famille danoise aux moeurs "coincées" -et le spectateur rangé à ses côtés- devant les comportements de plus en plus erratiques de leurs hôtes danois.
Le titre fait bien sûr référence au sort d'Abel, le petit garçon mutique de la maisonnée hollandaise, mais il est aussi plus largement le réceptacle des jugements silencieux/sentencieux de petits bourgeois de sa famille héroïne sur ceux dont ils se sentaient pourtant si proches lors de leurs vacances idylliques. Pétris par les convenances de leur milieu, ils vont un temps se contenter d'encaisser des agissements désinhibés qui vont à l'encontre de leurs valeurs. Bien sûr, l'accumulation de ces gestes considérés comme déplacés à leur égard va faire office de cocotte-minute qui, à un moment à un autre, se devra d'exploser en remontrances cette fois directement prononcées en face-à-face mais, en plus de son malin plaisir qu'il prend à maximiser sur l'inconfort d'une telle situation, "Ne Dis Rien" va également jouer sur leur perception inconsciemment hautaine -dans laquelle le film nous a lui aussi placé- de ce qu'ils jugent être la norme, en les mettant face à leurs contractions sur le regard péremptoire qu'ils jettent sur cette autre famille. Surtout, par l'intermédiaire d'un Bjørn aveuglé, trouvant enfin une forme de respiration existentielle pour se retrouver en tant qu'homme grâce à l'influence de Patrick, "Ne Dis Rien" va pousser assez naturellement cette famille danoise à faire l'erreur d'accepter de subir encore un peu plus certaines outrances... jusqu'au point de non-retour.
Le virage dans la plus pure horreur était bien sûr attendu mais il ne déçoit pas, emmené avec une froideur nordique qui ne prend absolument aucun gant pour en faire la traduction glaçante de l'erreur de cette famille de s'être laissée prendre aux piège de prédateurs parfaitement conscients de leurs failles, s'en repaissant même avec délectation en vue d'accomplir leur noir dessein. Le malaise en sera alors encore plus anxiogène avec le pire qu'il concrétise sous nos yeux, confirmant une bonne fois pour toutes le statut de bétail paralysé par une peur désormais bien primaire, au-delà de toute considération sociale, de cette famille face à des loups quasiment certains de voir leurs crocs plantés sur leurs proies.
Par sa capacité à nous malmener de façon exponentielle pendant toute sa durée, "Ne Dis Rien" ne donne envie que de dire beaucoup bien de lui... Et aussi de supprimer illico tous les contacts rencontrés en vacances de notre répertoire. Juste au cas où.