« On naît en goûtant le lait de notre mère. Lui, c’est son sang qu’il a goûté. Il est né pour se battre. »
Après plus d’une vingtaine de minutes d’une introduction assez bien foutue, avec Ron Perlman en chef courage et un jeune Leo Howard très convaincant, narrée par Morgan Freeman, on retrouve Jason Momoa dans le rôle titre et Nonso Anozie en fidèle ami (tous deux se croiseront plus tard sur Game of Thrones). S’éloignant fortement du film original de John Milius (1982), tant au niveau des décors, plus civilisés comme illustrant le haut moyen-âge sur le pourtour byzantin plutôt que la proto-histoire eurasiatique, qu’au niveau des couleurs et du ton, un peu plus drôle par moments, beaucoup plus sanglant aussi, ce Conan est un film d’aventures moderne avec ses défauts : le silence seulement rempli par l’obsédante musique de Basil Poledouris est remplacé par un verbiage souvent inutile et le scénario qui laissait dériver le personnage principal par une histoire linéaire assez banale. En outre, la réalisation (Marcus Nispel, spécialisé dans les remakes de films d’horreur des années ’70/’80) a la mauvaise idée de parfois multiplier les gros plans dans les scènes d’action rapides, ce qui brouille le visuel et enlaidit terriblement sa puissance évocatrice, malgré certaines scènes de bataille énergiques : on est souvent plus au rayon boucherie d’un supermarché que dans des confrontations épiques entre l’acier et la chair, ce qui est d’autant plus dommage que ces gros plans ont leur utilité dans des scènes plus lentes, apportant un petit côté western, jeux de regards et cicatrices au visage.
Au niveau de l’interprétation, outre les deux acteurs de l’introduction, reconnaissons que Jason Momoa, dont c’est l’un des tout premiers rôles au cinéma, ne surjoue pas encore de façon puérile et assez catastrophique comme il le fera plus tard en Aquaman (DC, 2016-2023) ou dans Dune (Denis Villeneuve, 2021). Pour le reste de la distribution, on retrouve encore Saïd Taghmaoui plutôt pas mauvais, Rose McGowan assez caricaturale, au talent pas assez exploité, Stephen Lang franchement grotesque et Rachel Nichols plutôt fadasse. On est donc dans du stéréotypé sans âme, là où l’amateurisme des interprètes de 1982 faisait mouche. La musique, enfin, n’apporte rien au récit.
Néanmoins, cette version de Conan porte aussi les qualités des films d’aventure modernes et, au regard des productions de ces vingt dernières années, je ne comprends pas les critiques assassines. Certes, ce n’est ni un chef d’oeuvre ni un spectacle aussi puissant et poético-mystique que la version de 1982, mais ça reste un bon film d’action avec un Jason Momoa tout-à-fait efficace, qui fait le job en utilisant son corps, son agilité chorégraphique et les expressions de son visage à bon escient et la plupart des effets spéciaux sont particulièrement bien intégrés à un scénario somme toute classique, avec ses passages obligés, ses situations prévisibles et ses bons moments aussi.
Histoire de boucler la boucle, on pourrait aussi comparer les deux œuvres à 20 ans d’intervalle, la première ayant inspiré une longue lignée de jeux vidéo RPG, le second s’inspirant à son tour très largement de ces mêmes jeux.