Entre rêves imbriqués, narrations alternatives, imagerie fantasmagorique et parallèles obscurs, il est tout à fait normal d'avoir besoin de renseignements après son visionnage pour en comprendre le sens profond.
Les interprétations sont multiples.
Est-ce que la première partie du film est le fantasme projeté par Betty/Diane dans la seconde ? Ou bien est-ce la suite ? On s'accordera à dire que Lynch tire sur l'industrie hollywoodienne. Cette usine à vedettes évanescentes met en lumière des personnages soit opulents, soit en bonne voie pour le devenir, à travers des fables impossibles sur fond de méritocratie, d'arrivisme et de masculinisme. L'actrice débutante Diane se voit relayer au second plan lors de ses premiers rôles, allant jusqu'à prêter sa voix à une star accomplie, mais dont l'accent ne siérait pas aux producteurs, car trop latino, trop en dehors de leur morale purgatrice.
Non seulement, la misère inhérente à Los Angeles est occultée au profit d'un récit par et pour les classes dominantes, mais l'Histoire est aussi révisée dans le but de se dédouaner, voire de réfuter l'implication génocidaires des ancêtres colons. Le personnage du cow-boy, figure divine, a le pouvoir de vie ou de mort sur le réalisateur. Les producteurs vénaux décident de l'actrice incarnant le rôle principale, et dépouillent totalement l'auteur de son œuvre lorsque sa vision diffère de celle qu'ils souhaitent propager.
Diane, dans cet engrenage carnassier, est follement éprise de Camilla, malgré le désintérêt totale de cette dernière pour elle. C'est pourquoi, désireuse de s'extraire de son train de vie lugubre, elle fait appel aux services d'un tueur à gage qui lui présentera une mystérieuse boîte bleue
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Lynch assure une réalisation impeccable, où la photographie et les décors sont très soignés. Les thèmes oniriques, qu'il ne cesse d'aborder tout au long de sa filmographie, ouvrent un labyrinthe à miroirs dans lequel le récit nous balade complètement.
Assurément, Mulholland Drive sciera les pattes des esprits cartésiens. Mais il faut avouer qu'il est salutaire et rare de faire face à un objet capable de nous perdre intellectuellement, tout en distillant des pistes de réflexion compréhensibles et élévatrices.