L’Origine du mal ressemble, dès son titre et par son propos, à une étude sociale sur la bourgeoisie : il s’empare ainsi du thriller schizophrénique, emprunté à Alfred Hitchcock – la confusion des deux femmes, non pas blondes mais brunes ici – et à Brian de Palma – le recours à l’écran divisé –, pour l’ancrer dans un milieu spécifique propice à une expérimentation. L’introduction d’une ouvrière isolée et sans parents connus dans une famille riche transforme la première en transfuge de classe, soucieuse d’affirmer la méditation selon laquelle « nul homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble » (John Donne), et révèle l’hypocrisie cruelle de la seconde, soucieuse des apparences mais fracturée intimement par des rivalités d’ordre économique. Un climat de manipulations et de mensonges s’installe, donnant lieu à une série de révélations plutôt prévisibles et lourdement amenés par une mise en scène qui tourne à vide, quoique soignée.
Sébastien Marnier dépasse l’approche naturaliste que laissaient présager certains plans inauguraux, notamment ceux dans l’usine de confection de sardines, pour explorer ce continent caché, symbolisé par l’île que desservent les bateaux, rappelant au passage Shutter Island (2010) de Martin Scorsese. La surréalité advient alors dans le cadre domestique des réunions des différentes femmes autour de la figure du patriarche, femmes déconnectées de la réalité se pavanant en fourrure, suivant un jeu de massacre tel que les représentait Claude Chabrol. Cependant, Marnier ne laisse qu’un faible espace d’interprétation à ses comédiennes, enfermées dans des rôles eux-mêmes subordonnés à des retournements de situation en cascade, ce qui donne l’impression de composer un musée de cire sans chair ni vitalité. Seule Suzanne Clément tire son épingle du jeu en conférant à son personnage torturé une profondeur véritable : son incarcération redouble matériellement une détresse intérieure que le réalisateur justifie par un dernier acte plus convaincant.
Un film rendu artificiel par ses tours de passe-passe malhabiles.