Le mythe de Notre-Dame sous le feu des projecteurs
Trois ans après l’effroyable drame resté à jamais gravé dans nos mémoires, Jean-Jacques Annaud signe le film de sa carrière. Il restitue avec justesse les douloureuses décisions, aux conséquences lourdes, et remet chaque acteur à sa véritable place. Si les politiques en prennent chacun pour leur grade, les pompiers de Paris ont sauvé, malgré les réticences, dans un faux documentaire hagiographique difficilement contournable, un emblème français.
Même si les frontières entre fiction et réalité sont poreuses, ce film sera un témoin clé pour la future génération. Des hommes impuissants font face à un brasier incontrôlable. Tout est « cinématisable » surtout lorsqu’il s’agit de rendre part de maladresses à de multiples échelles.
Un évènement mondial
En quelques minutes les images de l’incendie firent le tour du monde. La réputation du pays devient alors mondiale. Même si l’objectif est commun (sauver l’édifice) des rivalités internes explosent. Lorsque que le Conservateur en chef Laurent Prades (Mikaël Chirinian) parvient enfin à ouvrir le coffre, il sort de la cathédrale le sourire aux lèvres, la couronne d’épine sous le bras, mais doit la remettre au représentant du Ministère. Sa fierté personnelle est à l’opposé de l’égo du représentant de l’Etat, qui a l’honneur, sous bonne garde, de poser ce précieux achat de Saint-Louis à l’Hôtel de ville.
Croire
La foi occupe une place différente dans le cœur (ou l’esprit) de chacun. Dans ce long-métrage, l’athée pleure avec le catholique. Sur un chant à la vierge, du haut du parvis de la cathédrale, un pompier ne peut rester insensible. Ce pompier représente chacun de nous. Les prières affluent, les Parisiens encouragent tous, la mission des femmes et des hommes du feu, depuis les ponts ou les quais de Seine. D’un côté Annaud montre le cœur du brasier, en suivant pas à pas l’avancée des soldats du feu et de l’autre, il filme les rues de la capitale noire de monde, ce qui donne du rythme au film.
L’histoire dans la grande Histoire
Dès les premières minutes de son chef d’œuvre, il balaye en trente secondes huit siècle d’Histoire. Grâce à de multiples fondus enchaînés, le spectateur découvre une gravure, une tapisserie médiévale, un tableau impressionniste et puis des croquis de Viollet-le-Duc, architecte qui fit une restauration au XIXe siècle. A deux reprises, Annaud nous fait regarder la tournure des évènements du point de vue de l’objet ; à travers la clé de voûte sculptée et ornée de deux angelots, et par une chute de pierre. La grande Histoire nous contemple du haut des pierres.
Le plus impressionnant reste l’effondrement de la flèche. Le souffle est tellement fort qu’il claque la lourde porte en fer forgé et repousse les pompiers présents dans la nef. La tournure des évènements devient alors tragique car le feu persiste toujours. La panique s’empare du régisseur (Garlan Le Martelot) quémandant l’Adjudant-chef Joël (Jérémie Laheurte) d’agir au plus vite. « La pierre est friable, si vous n’y allez pas, ça va être comme un château de cartes ». Dans une ambiance de plus en plus tendue, Annaud tient en haleine son public du début jusqu’à la fin.
L’incendie aura montré au monde entier que malgré la récurrence des alarmes, supposant une défaillance technique, elles sont le seul rempart contre des accidents de cette envergure. Le célèbre adage répété à maintes reprises par les pompiers prend tout son sens. : une minute, un litre d’eau, deux minutes un sceau d’eau et trois minutes une tonne d’eau.
Qu'est ce qui nous différencie du Moyen-âge ? Impuissant face à un brasier d'une telle ampleur, les défis techniques du futur devront trouver cette réponse...