Quasiment 20 ans après son très chouette «Walk the Line» (dédié à Johnny "The Man in Black" Cash), le talentueux réalisateur James Mangold s‘attaque à un autre grand nom de la scène musicale américaine : Bob Dylan, figure majeure du folk-rock, mais que je connais finalement assez peu, hormis ses morceaux les plus célèbres.
S'éloignant du biopic hagiographique traditionnel, le cinéaste/co-scénariste fait le choix de s'intéresser plus à la musique de Dylan et l'effet que celle-ci produit sur les personnes qui croisent sa route qu'à l'artiste lui-même.
Film à l'ADN très musical, où la mise en scène classieuse et immersive de Mangold vient reproduire l'effervescence d'une époque (le New York des années 60) avec tous les bouleversements, notamment politiques et sociétaux, qu'elle traverse, ce «Parfait Inconnu» est d'abord l'histoire d'un artiste à contre-courant, qui a toujours refusé qu'on le mette dans une case, qu'on le cantonne à un seul genre bien précis, qu'on le possède ; l'histoire d'un jeune homme au passé mystérieux et vivant au jour le jour, là où la vie et la musique décident de l'emmener ; l'histoire d'une musique qui doit venir du cœur et des tripes, plutôt que par obligation ou pour une question d'image et de ventes, et capable de déjouer les attentes, et faire réagir les foules, les bousculer, et finalement les emporter.
M'ayant un peu rappelé le «Inside Llewyn Davis» des frères Coen de par son esprit et l'époque qu'il met en scène (plutôt logique finalement, celui-ci étant un hommage direct à la scène folk de Greenwich Village, et à Dylan lui-même), l'une des forces principales de cette œuvre aux ellipses bien dosées est son casting investi et talentueux, dont Edward Norton dans le rôle de Pete Seeger ou encore Monica Barbaro (déjà vu dans «Top Gun : Maverick») dans celui de Joan Baez.
Mais la cerise sur le gâteau revient sans conteste à Timothée Chalamet, s'appropriant la voix et la gestuelle de Dylan et se révélant aussi bon chanteur-musicien qu'il est acteur. Emprunt d'un mimétisme certain (mais sans en faire trop), on finirait presque par en oublier que ce n'est pas le vrai Bob Dylan à l'écran. Une belle performance qui lui a permis d'être, très justement, nommé aux prochains Oscars.
Construit en 2 phases (l'ascension, puis la scission), et faisant couler la musique dans ses veines, un film impeccablement exécuté, devant lequel je ne me suis pas ennuyé et je me suis laissé porter, en particulier lors de ses séquences de concert, intimistes comme plus imposantes (mention spéciale à ce dernier concert chaotique au Festival de Folk de Newport).
Mais un film qui ne m'a finalement pas marqué autant que je le pensais. Peut-être est-ce dû au fait que je ne connaisse pas assez Dylan, ou encore que certains segments narratifs m'ont moins passionné (notamment le trio Dylan-Russo-Baez, déjà vu ailleurs), m'ayant laissé un peu à distance de certains personnages et de leurs rapports entre eux.
Un bon film musical, ni plus ni moins. 6,5-7/10.