Un tour de chant de 140 minutes
James Mangold est un vieux routier du film d’action. En témoignent une longue série de titres comme Copland, 3h10 pour Yuma, Logan, Le Mans 66, Indiana Jones et le cadran de la destinée… Bref, on est loin du biopic musical ! New York, 1961. Alors que la scène musicale est en pleine effervescence et que la société est en proie à des bouleversements culturels, un énigmatique jeune homme de 19 ans débarque du Minnesota avec sa guitare et son talent hors normes qui changeront à jamais le cours de la musique américaine. Durant son ascension fulgurante, il noue d’intimes relations avec des musiciens légendaires de Greenwich Village, avec en point d’orgue une performance révolutionnaire et controversée qui créera une onde de choc dans le monde entier… Tout ça est admirablement bien fait, porté par un acteur de génie, mais ça se résume aussi, - comme je le dis dans mon sous-titre -, à un très long concert de Dylan. Ses fans apprécieront…
Le film se concentre sur les quatre années de l’ascension fulgurante de l’artiste, de sa vie de nomade en galère à son statut d’icône du rock. En outre, le titre reflète l'intention du réalisateur d'éviter les explications psychologiques simples. Mais, c’est mon principal reproche, car « d’explications psychologiques » il n’y en a quasiment aucune. Certes de la musique avant toute chose – célèbre vers de Verlaine -, est une citation qui me va droit au cœur, mais j’aurais aimé en savoir un peu plus sur l’homme qui est ici présenté comme quelqu’un de renfermé, - on s’en doutait un peu -, un brin asocial – là aussi, c’est pas une surprise -, et surtout passablement antipathique. Bémol dû au fait que c’est ici une production Disney, on ne parle jamais de drogue… Pour le reste, ses relations avec Pete Seeger, Johnny Cash ou Joan Baez, sont plutôt bien rendues. On remarquera l’incroyable souci du détail pour les décors et les accessoires puisqu'on a utilisé des journaux et des bonbons de l'époque dans les kiosques. De même, au premier étage des immeubles, ce sont des vêtements des années 60 qui sèchent sur la corde à linge. L’équipe a même jonché les rues du quartier de déchets conformes à l’époque et d’authentiques saletés. Comme pour la reconstitution, dans ses moindres détails, du légendaire Studio A de Columbia Records où Bob Dylan a enregistré des titres marquants comme Mr Tambourine Man et Like a Rolling Stone. Beaucoup de soin et de talents réunis pour un biopic qui doit surtout à la performance inouïe de sa star.
J’ai nommé : Timothée Chalamet, frappé par la grâce, qui ne disparaît jamais derrière le personnage mythique qu’il incarne pleinement. Il s’est consacré à l’apprentissage intensif de la musique pendant cinq ans, acquérant les compétences requises tout en explorant le répertoire de Bob Dylan. Il a observé les concerts et les interviews du chanteur, en s’attachant à d’infimes détails comme sa posture et l’influence de celle-ci sur sa voix. Il a également appris à jouer de la guitare et de l'harmonica. Edward Norton, loin de ses rôles sombres, incarne un Pete Seeger plus vrai que nature. Les rôles des deux femmes de la vie de Dylan sont dévolus à Elle Fanning et Monica Barbaro. Impeccables aussi toutes les deux. On remerciera Mangold de ne pas nous proposer un biopic hollywoodien standard. Dylan a aujourd’hui 83 ans et Joan Baez 84… Longue vie à eux.