C’est un bel hommage à Georges Simenon que nous offre Patrice Leconte en adaptant le roman Maigret et la jeune morte publié pour la première fois en 1954. Ce récit présenté comme l'une des œuvres les plus crépusculaires de l'écrivain avait déjà connu quatre adaptations en téléfilms. Georges Simenon a écrit 75 romans mettant en scène Maigret…j’en ai lu beaucoup et devant le film de Patrice Leconte, j’ai retrouvé toute l’atmosphère des enquêtes du célèbre commissaire… la lumière, tons saturés proches du noir et blanc, les décors, cette France des années 50 , ce Paris lugubre aux lumières blafardes…la reconstitution est soignée, les dialogues sonnent d’époque et Gerard Depardieu incarne Maigret, une présence massive, une silhouette spectrale, mais un Maigret vieillissant, quelque peu désabusé, à qui son médecin interdit la pipe !!! et qui se fait prier pour aller déguster un canard au sang probablement à la Tour d’Argent, en face l’institut médicolégal …l’atmosphère passe de la cruauté étalée dans ces taches de sang maculant cette robe de Maggy Rouff portée par la jeune inconnue retrouvée dans ce square des Batignolles, à la douceur qui anime le vieil inspecteur dans l’attention toute paternelle qu’il offre post mortem à l’inconnue, comme à cette jeune fille un peu perdue, présentant de larges ressemblances d’avec la morte, ( et probablement de la fille du même âge que le couple a perdue) et qu’il prend sous son aile pour la protéger du danger de mal tourner…car le film aborde en lisière, le désir d’émancipation de ces jeunes provinciales montant à Paris et prêtes à tout pour réussir….C’est par son art du détail et de son laconisme, cette subtile économie de mots et d’effets que cette version de Patrice Leconte se distingue….et l’on pouvait penser qu'en plus d'un demi-siècle de bons ou de mauvais projets, Gérard Depardieu nous avait tout donné. A soixante-dix ans passés, l'acteur avait encore rendez-vous avec Maigret. ..Un Maigret nostalgique et bouleversant, littéralement habité par Depardieu. A la fin du film, le commissaire marche de dos, solitaire dans la rue Saint-Vincent. Immense, invincible, si fragile. Et l'on se dit qu'il n'y a qu'une seule différence entre le monde et cet acteur : nul n'a jamais fait le tour de Gérard Depardieu. J’ai beaucoup aimé !!!