Je médite encore sur Drunk, 24 heures après l'avoir vu. Alors qu'il me semblait inconcevable d'écrire à son sujet, tant je n'arrivais pas à mettre mes idées au clair, je me suis dit que c'était précisément la raison pour laquelle je devais sans doute le faire.
Idées contraires, 2,5 sur 5, deux ressentis distincts lors de ce visionnage : Une séance où tout était à deux vitesses.
Au premier abord, j'ai été embarqué par le film. Par ses différences, sa langue, ses acteurs, la thématique. Mais arrivé à environ un quart de métrage, une sensation commençait à me parcourir : Un mélange de doute et de confusion. Poursuivons !
Il aura finalement fallu attendre la scène finale pour que le sentiment se fasse clair : mais de quoi tu parles film ? Qu'est-ce que tu veux me dire ? À qui tu parles ? Dans quelle réalité tu te situes ? Analysons !
𝙇'𝙖𝙥𝙤𝙡𝙤𝙜𝙞𝙚 𝙙𝙪 𝙨𝙩𝙖𝙩𝙪𝙨 𝙦𝙪𝙤 ? : La vie est chiante, alors on peut sortir des rangs, mais bon, pas trop trop quand même. Car dans cet univers, chaque faux pas apporte directement son lot de conséquences graves et potentiellement irrattrapables.
𝙇𝙖 𝙁𝙚𝙢𝙢𝙚 𝙘𝙤𝙢𝙢𝙚 𝙗𝙤𝙪𝙘 𝙚𝙢𝙞𝙨𝙨𝙖𝙞𝙧𝙚 ? En effet dans Drunk, aucune femme n'est fondamentalement bonne.
- La femme de Nikolaj est castratrice, dominante et directive.
- La femme de Martin est manipulatrice, distante et le trompe.
- La directrice de l'école, droite et froide.
- Enfin, les deux autres personnages de la bande sont en reste.
Au final, pourquoi pas, cela peut être pertinent de montrer que la femme n'est pas qu'une chose fragile et immaculée.
Là où intervient le problème, c'est que Vinterbeg ne va pas du tout dans ce sens et renverse les situations qui pouvaient être intéressantes :
- Si la femme de Nikolaj est ainsi, c'est qu'il est immature et indigne de confiance. Ok dans ce cas-là, pourquoi lui faire 3 gosses sur 8 ans ?
- Si la femme de Martin est ainsi, c'est car Martin a changé, et qu'il ne s'occupe plus d'elle. Mais alors dans ce cas, elle décide de directement le tromper (car visiblement aucune discussion n'a eu lieu tant Martin découvre la situation) et décide malgré tout de ... Rester avec ?? Probablement assurer le sacro-saint maintien de la famille.
𝙇'𝙖𝙡𝙘𝙤𝙤𝙡 𝙥𝙤𝙪𝙧 𝙚𝙛𝙛𝙖𝙘𝙚𝙧 𝙖𝙪 𝙡𝙞𝙚𝙪 𝙙𝙚 𝙘𝙤𝙢𝙥𝙧𝙚𝙣𝙙𝙧𝙚 ? Ce qui est assez terrible, c'est que pour tous nos personnages, on va essayer d'effacer et d'oublier plutôt que de comprendre et de s'améliorer.
- Faire boire une élève sujet au stress des examens scolaires (qui à priori a déjà redoublé 2 fois). Peut-être serait-il bon d'enclencher un soutien pédagogique ? D'ailleurs dans ce film, les effets de l'alcool sont instantanés.
- Puis cette fameuse scène finale : alors que l'élément le plus tragique du film vient de s'accomplir (après avoir cumulé un aveu de tromperie, une scène de violence conjugale, une rupture, un démantèlement familial, un risque de perte d'emploi global pour nos 4 ado-adultes, l'un deux fini par se suicider). Alors que la fête des bacheliers bat son plein, nos trois amis restants décident finalement de festoyer. Mais pas qu'un peu comme pour apporter de la nuance, sorte de "la vie continue, à nous de trouver la parcimonie". Non non, encore un bon gros mélange brutal de bière, champagne, vin et autres shooters, dans une scène qui semble déracinée de toute emprise avec la réalité, dans laquelle la joie pure finit par l'emporter sur la douleur et l'adversité.
À aucun moment, on expliquerait cela par de l'alcoolisme, non ici, un pur déni de la réalité, rien ne semble avoir de réelles conséquences, comme si aucune prise de conscience n'était possible malgré tout ce qu'il vient de se passer.
Au final, le film n'est ni suffisamment réel ni dramatique pour prétendre à être une sorte de miroir alcoolisé de Requiem For A Dream. Il n'est pas non plus assez exubérant pour lorgner du côté de la satire ou de la caricature.
Si les éléments de comédie soulignent en effet quelque chose de potentiellement intéressant : le passage à la quarantaine, la monotonie professionnelle ou encore au sein du couple, le tout en parallèle de l'expérience phycho- sociale menée par nos 4 personnages principaux, chaque tentative d'apporter des éléments dramatiques tourne à la farce et offre des conclusions perturbantes.
Le plus dérangent peut-être : c'est que c'est bien comme tel qu'il semble avoir été perçu par une majorité de nos chères têtes du YoutubeGame critiques ciné francophone, comme quoi ce film serait in fine, un feel good movie, libérateur alors sorti en pleine crise Covid. Et bien cet argument scelle mon ressenti face au final du film. Un sentiment de paradoxe et l'absence de discernement face à la réalité et la conséquence de nos actes.