Lorsqu’on parle d’inégalités au cinéma, autrement dit d’un sujet auquel au premier abord le message final sera déjà connu à l’avance par le fait de les dénoncer, tout l’intérêt de la tentative résidera dans la réflexion portée sur ses injustices, de la mise en perspective avec notre société actuelle, de pourquoi sont-elles présentes etc. Ainsi le film a besoin de remises en cause, de personnages forts, de prises de position marquantes et d’un style soigné, caractéristique de ce que l’on veut faire ressortir et dénoncer, au risque sinon d’enfoncer des portes ouvertes par un message trop voyant. C’est pourtant dans ces manques que La Bonne épouse de Martin Provost peine ainsi à se trouver en racontant ici l’histoire de l’institut Van Der Beck en Alsace qui prépare les jeunes filles à devenir de « bonnes épouses », le tout à l’aube de mai 68, si toutefois le message n’était pas encore assez compris. Son discours tombe malheureusement dans le piège du grotesque des comédies supposée engagés, oubliant absolument toute subtilité qui enfonce des revendications bien trop vagues et inutiles de nos jours.
Le film présente toutefois plusieurs qualités, du fait notamment que son réalisateur ne soit pas dénué de talent loin de là. Tous les cadres de chaque plan sont travaillés avec minutie, la symétrie des éléments pour donner cette ambiance très droite et austère sont très bien montrés. Sans pour autant s’empêcher d’utiliser des couleurs très chaudes pour aller avec ce ton léger, plein de second degré qui caractérise le film de manière à vouloir s’y attacher plus facilement, grâce aussi aux décors grandioses, très esthétique rendant un cadre à chaque fois des plus agréable à regarder. Cependant, ce contraste entre chaleur et austérité ne fonctionne pas très bien puisqu’aucun effet de style de réalisation n’en ressort. La caméra reste toujours assez fixe, ne fais jamais vraiment ressentir les émotions que traversent les personnages, tout est très monotone, manquant de rythme, et ne suis absolument pas les changements narratifs et l’épanouissement évolutif des personnages.
D’ailleurs les scènes en elle-même manquent de tranchant, d’impact, certaines blagues sont parfois drôles, assez fines et bien écrites mais peu nombreuses pour pouvoir alimenter un film entier, d’autant plus qu’on remarque assez vite que le but final du film n’est pas de faire rire mais plutôt prendre conscience de quelque chose. Ainsi le message n’est clairement pas bien amené, les personnages s’écoutent trop entre eux et, malgré des interprétations individuelles toujours justes, ceux-ci ne vivent pas les scènes en tant que groupe, ce qui est pourtant la base de l’histoire. Tout reste alors superficielle, exactement comme une pièce de théâtre faite sans répétition, on reste à l’extérieur de l’univers en l’observant tant bien que mal mais sans jamais y pénétrer.
Le film est en effet trop sage, trop lisse, sans surprise, il va là où tout le monde s’attend jusqu’à dévoiler un message terriblement voyant sans aucune réflexion particulière qui l’en démarquerait. On ne ressent jamais rien de particulier, beaucoup de personnages sont montrés pour au final ne s’identifier vraiment nulle part tant on reste extérieur à l’action. C’est un film grand public trop ambitieux pour ce qu’il en est ou au contraire pas assez pour les moyens qu’il avait, ne trouvant jamais la bonne formule à aucun moment, seul le rythme, la construction de l’histoire et les performances d’acteurs par moment le sauvent laborieusement malgré une direction artistique intéressante, mais frôlant le ridicule par la séquence de fin. Un passage absolument grotesque à l’image d’un film des plus caricatural qui ne donnera malheureusement pas plus de poids à son propos qu’il n’en est aujourd’hui. En effet, au lieu d’offrir un discours qui pose de réelles questions sur ce rapport de domination qu’on les hommes depuis toujours et encore aujourd’hui et dont le cinéma français a cruellement besoin, le film nous assomme à coup de slogans simplistes et risibles qui ne font qu’éviter d’aborder les réelles problématiques.