S'il est un cinéaste inventif et dont chaque film brille par l'originalité de son scénario, c'est bien Martin Provost dont il nous a été donné de dire le plus grand bien à la sortie de plusieurs de ses réalisations. On ne peut qu'apprécier son évident amour des acteurs et surtout des actrices. Car les femmes sont au cœur de sa filmographie, depuis "Le ventre de Juliette" jusqu'à "Sage femme" en passant par"Séraphine" et "Violette". Mieux, Martin Provost se fait l'avocat des femmes, qu'il s'agisse de femmes humiliées ou incomprises ou bien encore de femmes désireuses de vivre une existence réprouvée par la bonne société. Avec son dernier film, le cinéaste s'en donne à cœur joie. Il signe une comédie fort réjouissante dont les protagonistes constituent un trio haut en couleur : Paulette, directrice d'une institution ménagère (Juliette Binoche), Gilberte, sa belle-sœur, professeur de cuisine et fan du chanteur Adamo (Yolande Moreau), et sœur Marie-Thérèse, gendarme de l'institution et forte en gueule (Noémie Lvovsky). Précisons que l'intrigue se situe en 1967, soit à quelques mois d'un certain mois de mai explosif. Il s'agit bien évidemment d'une satire au vitriol qui a pour cible non seulement le fonctionnement d'une institution à l'ancienne, mais encore la conception éculée de la femme soumise et destinée à devenir "la bonne épouse", autrement dit la femme au foyer qui n'aura pour fonctions que de servir son mari et de lui assurer une descendance irréprochable. Là-dessus se greffe une histoire d'amour entre Juliette et un banquier qui n'est autre qu'un amour d'antan (Edouard Baer). Et c'est là que les choses se compliquent. N'en disons pas davantage : on regrettera cependant cette bifurcation dans la narration qui a quelque chose d'artificiel et de simpliste. Toutefois, l'Histoire est en marche et la révolte va éclater. D'abord sous la forme d'une bataille de polochons au sein de l'internat (et là, on décèle bien sûr une référence à l'inoubliable "Zéro de conduite" de Jean Vigo), puis sous la forme d'une marche finale, tous âges confondus (cette fois, c'est "La La Land" qui inspire Martin Provost). La satire eût sans doute gagné en cohérence à ne pas se disperser ainsi. Ce qui est sûr, c'est que le trio féminin assure une belle réussite au film : Juliette impeccable comme toujours et brillant d'une présence indéniable ; Yolande, la chouchoute de Martin Provost (comme on le comprend !) depuis "Séraphine" et "Où va la nuit", admirable d'intelligence et de finesse ; Noémie, caricaturale à souhait et prenant le parti de surjouer du début à la fin. Quant aux acteurs, ils incarnent des êtres doubles ou profiteurs dont la conduite n'a rien d'exemplaire. Mentionnons un excellent François Berléand qui se régale de son rôle de mari irresponsable et hypocrite tant et plus. Bref, le film frappe dur, un peu trop parfois : on eût aimé davantage de nuances car à force d'opter pour le jeu de massacre, il perd en intensité et en crédibilité. Il n'empêche que Martin Provost signe une fois de plus un film où la direction d'actrices - et d'acteurs - est irréprochable, quel que soit le parti pris adopté par le réalisateur.