Au vu du sujet, et de la bande annonce, je ne l’attendais pas vraiment à une comédie subtile et pleine de nuances, et bien je n’ai pas été très surprise. Le film de Martin Provost part d’une bonne idée, camper son intrigue dans un type d’ Ecole qui n’existe (Dieu merci…) plus du tout en France, une école de fille, un internat où on ne leur apprenais rien d’autre que de coudre, faire la cuisine, servir leur futur mari, tenir une maison et recevoir les amis de monsieur. Ici, pas de mathématiques, de littérature ou de science, les jeunes femmes modestes qui fréquentaient ces écoles n’avaient nul besoin de toutes ces connaissances pour être une femme au foyer accomplies, soumises et obéissantes. Ca parait tellement improbable aujourd’hui, et c’est heureux. En choisissant ce cadre presque « exotique » en 2020, Martin Provost nous permettait de toucher du doigt le chemin inouï parcouru en 60 ans, pour nous, les femmes. Son film n’est pas désagréable à suivre, il est gentiment drôle, très rythmé, et très honnêtement réalisé. Un générique de début inventif, un faux reportage télévisé bien misogyne en noir et blanc, un hommage aux comédies musicales sur la fin, on peut dire que Martin Provost a fait le job. En plus, les paysages alsaciens sont très joliment filmés, la reconstitution des années 60 assez soignée au niveau des accessoires, des décors, des costumes. Du côté de la forme, en tous cas, je ne trouve pas grand-chose à redire, c’est un peu long sur la fin, certaines scènes s’étirent inexplicablement en longueur. La scène finale, chantée et dansée, personnellement, ce n’est pas du tout ma cup of tea. Je n‘aime pas les comédies musicales, et ici cette scène improbable arrive comme un cheveu dans la soupe ! Le casting est assez séduisant sur le papier : Juliette Binoche en épouse qui s’émancipe, Edouard Baer en banquier transi d’amour (et fan d’apfelstrudel), François Berléand en mari libidineux et machiste, Noémie Lvovski en bonne sœur (ancienne résistante couverte de médailles) et Yolande Moreau en vieille fille fan de Salvatore Adamo, à quoi on peut ajouter 12 jeunes élèves plus ou moins délurées. La performance de tous ces comédiens n’est pas à remettre en cause, et j’avoue que je peux donner une petite mention spéciale à Edouard Baer,
qui fait craquer Juliette Binoche en deux coups de cuillères à pot et on comprend pourquoi, devant une telle fougue, une telle passion !
Le petit souci avec « la Bonne Epouse », c’est que le scénario manque quand même cruellement de nuances. Les personnages sont très stéréotypés, leur réactions sont outrancières, leurs dialogues toujours poussés un cran au-delà du necessaire. Ca donne du rythme, ça apporte de l’humour (on n’est parfois qu’à quelques encablures de la parodie) mais cela enlève beaucoup au fond du film. Martin Provost a glissé un peu de grivoiserie, un peu de provocation dans son scénario, je n’ai rien contre dans l’absolu mais ici, ça fait presque « obligé » pour « faire moderne ». Je ne sais pas comment dire, sa comédie manque tellement de subtilité que ça en devient gênant au bout d’un moment. Les mœurs changent trop vite, à l’Ecole Van Der Beck,
les décisions se prennent trop vite, les chagrins s’effacent trop vite, on passe en quelques mois de la femme au foyer à la libération sexuelle, alors qu’une mentalité ne peut pas évoluer si vite. Le poids de la tradition s’envole aussi vite qu’il était écrasant, le scénario fait fi d’une éducation qui laisse des traces, d’une culture encore terriblement patriarcale, on passe d’un extrême à l’autre si rapidement que cela en devient presque ridicule, et fort peu crédible.
Quand on a des acteurs de cette trempe sous la main, on en profite pour leur offrir des personnages un peu plus nuancés, des dialogues plus écrits, on leur donne à jouer de temps en temps autre chose que des scènes où ils sont exaltés. A trop vouloir faire rire, à trop vouloir enfoncer les portes ouvertes, Martin Provost perd en crédibilité. En plus si je peux me permettre de dire cela, l’humour du film n’est pas toujours très moderne, ça fait sourire, mais pas tellement plus. Du coup, « la Bonne Epouse » laisse un souvenir mitigé au sortir de la salle, encore une fois une impression d’occasion manquée. C’est souvent, trop souvent le cas avec les comédies françaises.