Avec des œuvres comme celles de Jia Zhangke ou Hu Bo, le cinéma chinois nous avait habitué aux subtils entrelacements entre l'Histoire d'un pays en mutation et celle, intime et tourmentée, de ses habitants.
Un élément que l'on retrouve dans "So long my son", le dernier film de Wang Xiaoshuai. Tout en pudeur, sans pathos excessif, il nous donne à voir la manière dont les évolutions de la politique et de l'économie chinoise (mise en place de la politique de l'enfant unique, basculement dans l'économie de marché et émergence d'un capitalisme débridé) affecteront la vie d'un couple d'ouvriers tentant de se reconstruire après la disparition d'un fils mort noyé en jouant près d'un barrage.
Trois heures durant, s'entremêlent habilement petite et grande histoire, mais également passé et présent, drame et moments lumineux, le tout émaillé de touches d'humour rares mais toujours bien pensées.
Et l'on ne peut que saluer les multiples talents qui font de ce long-métrage un film fort et sensible.
Celui du réalisateur d'abord, qui sait éviter l'écueil du drame larmoyant pour livrer un film touchant, avec peu de mots mais beaucoup de sentiments. Rien n'est explicité ou appuyé, le réalisateur de "Beijing Bicycle" se contente de montrer. Simplement, sans commentaires, mais avec une grande justesse.
On appréciera aussi la construction de l'intrigue. Pas de séquences à rallonges ni de narration classique ici, mais une succession de flashback et d'ellipses qui donnent au film un souffle et un intérêt certain. Un choix narratif qui contribue à maintenir alerte l'attention d'un spectateur déjà séduit par l'humanité des personnages et la beauté des images et du cadrage.
Mais si Wang Xiaoshuai épate, le talent est aussi celui des acteurs, qui incarnent tout en finesse, avec sobriété et subtilité, des personnages malmenés par la vie mais toujours dignes, complexes mais humains, pris en tenaille entre leurs aspirations personnelles et les évolutions d'un système auquel ils ont tout donné mais qui ne leur offrira en retour que douleur et déclassement.
Si Wang Xiaoshuai tombe parfois (rarement tout de même) dans les poncifs du drame familial, son treizième film, avare de mots mais généreux en émotions, réussit à toucher. Et mêle avec brio le passé et le présent, l'histoire individuelle et nationale.