Dans une interview parue dans Télérama, le réalisateur raconte à quel point il a dû batailler avec la censure de son pays pour l’aboutissement de chacun de ses films. Ainsi, ce sont, entre autres, les autorités en charge des cultes qui sont intervenues pour faire retirer de « So long, my son » une scène montrant une femme sortant d’un temple bouddhiste puis passant devant une église en faisant un signe de croix. Dans la version telle qu’elle nous est proposée, il reste néanmoins une scène se déroulant dans un temple bouddhiste ainsi qu’un plan très fugitif sur une église, mais rien de plus.
Compte tenu de ces tracasseries et des compromis qui en découlent, « So long, my son » n’en demeure pas moins un film remarquable qui nous fait découvrir, en une longue fresque, tout un pan de l’histoire de la Chine sous l’angle de la politique de contrôle des naissances qui y a sévi entre le début des années 80 et 2015. On le sait, durant cette longue période, les couples étaient tenus de n’avoir qu’un seul enfant, sous peine de sanction. On voit ainsi, dans ce film, comment les couples obéissants étaient récompensés, entre autres, par une remise de diplôme et les insoumis réprimés.
Mais, si le film est passionnant, malgré quelques longueurs, c’est aussi et surtout parce qu’il s’attache à raconter l’histoire d’un couple parmi beaucoup d’autres. Or ce couple connaît la pire épreuve qui soit : leur enfant unique, leur garçon, décède tragiquement à la suite d’une noyade. Peut-on imaginer drame plus terrible que celui-là ? Or, le cinéaste montre, presque aussitôt, le même couple, quelques années plus tard, en charge d’un garçon, d’un adolescent en pleine crise, qui porte le même prénom que l’enfant décédé.
Wang Xiaoshuai a savamment construit son film, osant toutes sortes d’ellipses, d’allers et retours dans le temps, pour nous faire percevoir ce qui s’est passé et comment le couple en deuil a pu accueillir un autre enfant sous son toit. Bien d’autres événements éprouvent, au fil du temps, cet homme et cette femme qu’on voit vieillir à l’écran puis rajeunir à l’occasion de flashbacks. Difficile de ne pas être profondément touché, voire bouleversé, par ces deux-là, par leur fidélité l’un à l’autre, fidélité qui leur permet de tenir bon au milieu des tourmentes. Et puis, et c’est sans nul doute la scène la plus belle et la plus poignante du film, voici que, alors qu’ils sont âgés, tous deux apprennent enfin la vérité entière sur ce qui s’est passé le jour où leur fils est mort. Ce sont la culpabilité d’une part et le pardon de l’autre qui sont alors à l’œuvre. La scène est inoubliable, elle illumine le film.