Avant toute chose, je tiens à évoquer ma surprise en lisant les critiques négatives à propos de Pierrot le Fou; bien que je respecte toutefois la subjectivité dans l'Esthétique, j'ai du mal à comprendre comment une telle beauté "brute" a pu échapper à certains spectateurs, tellement ce film est un recueil de poésie, d'émotion, mais aussi un hommage à l'Art sous toutes ses formes -littérature, peinture, musique, bande-dessinée, cinéma évidemment-, à la liberté et surtout à la vie, tout simplement.
Il est vrai que ce film peut être déroutant par les coupures musicales incongrues, les couleurs primaires omniprésentes, les voix-off, les répétitions, et j'en passe, mais il faut savoir que tout ceci a un sens! Peut-être que certaines personnes trouveront le scénario léger mais, finalement, ce dernier n'a que très peu d'importance par rapport à tout ce symbolisme voulu par Jean-Luc Godard.
Bien que Pierrot le Fou soit ancré dans une époque bien définie et dans le mouvement artistique qu'est la Nouvelle Vague, je lui trouve une certaine intemporalité, car l'Art et la vérité, l'Art et la liberté, l'amour dans l'Art -et tant d'autres- sont des thèmes de réflexion qui ne mourront jamais...
Godard est un grand réalisateur, qui a osé mettre en doute l'essence-même du Cinéma, et rien que pour cela ce premier mérite que l'on respecte son travail et que l'on voit au moins un de ses films dans sa vie si l'on est réellement amateur du septième Art.
Je tiens à dire également que ce film est tout à fait accessible: en dépit des citations multiples et diverses pensées philosophiques, Godard nous donne sa définition du cinéma -qui apparaît très clairement dans le film- qui n'est autre que "l'Emotion", et n'importe qui peut aisément comprendre cela... Le réalisateur ne fait que partager ses références et ses "coups de coeur" artistiques, tiraillé par l'amour entre lui et Anna Karina qui s'estompe petit à petit dans leur vie privée; cette dernière affirmation s'explique par le personnage qu'elle interprête -Marianne-, une femme-objet, "rouge" de passion et de violence, alors que Jean-Paul Belmondo -Ferdinand- est un rêveur ancré dans le "bleu" et sa mélancolie, bien que les couleurs se mélangent, comme un tableau vivant...
On ne peut condamner Pierrot le Fou en un simple visionnage, il faut voir plus loin, et lire au moins une analyse du film, et tous les morceaux du puzzle se joindront dans votre esprit et j'ose affirmer que vous comprendrez alors nombre d'éléments vous ayant autrefois échappé.
Cette beauté, cette ode à la Vie, est devenue, au fil du temps, plus un mythe qu'un simple film; tout comme la philosophie mène à la Sagesse, le cinéma mène à la l'émotion la plus pure et, Pierrot le Fou, tout comme son extraordinaire final, à l'Eternité de Rimbaud...