In the mood for Love paru en 2000 est réalisé par Wong Kar-wai. Dans ce métrage le réalisateur
Hongkongais laisse place à l’illustre duo : Maggie Cheung/Tony Leung, qui sera notamment récompensé
par le prix de l’interprétation masculine de l’année au festival de Cannes. Prix du cinéma européen,
festival de Cannes, César, German film awards, In the mood for love enchaine les titres de 2000 à 2002,
ce film arrive comme une consécration pour celui considéré comme le meilleur réalisateur hongkongais
de tous les temps. Initialement envisagé comme un regroupement de 3 courts traitant de l’influence de la
nourriture sur l’amour, le long métrage se concentra finalement sur la narration d’une seule de ces
nouvelles en abandonnant quelque peu cette idée. Cependant l’art gustatif reste bel et bien important à
l’image, mais surtout comme une allégorie d’un monde qui se mondialise et qui évolue avec ses qualités
mais aussi inévitablement avec ses vices. Ces derniers étant plus représentés à travers la population
vieillissante et populaire, qui dépensent la fortune qu’ils n’ont pas dans des jeux, ...etc. Ainsi, bien plus
humblement qu’une critique d’un monde enclin à une évolution encore inconnue, In the mood for love
résonne d’avantage comme un film conscient. Conscient que les technologies n’ont pas les mêmes
vocations à travers les sociétés, en effet, tous s’adaptent individuellement aux technologies destinées à
faciliter leur vie, cependant les normes sociales, elles, restent et contraignent chaque individu « libre de
choix » à se cacher ou à simplement obéir. On voit d’ailleurs toute l’importance du jugement extérieur à
travers les dialogues, mais également par la caméra du réalisateur jonglant entre plans américains et gros
plans, laissant place au jeu des acteurs se censurant eux-mêmes de vivre l’amour proscrit. Et c’est cette
contrainte que In the mood for love nous transmet, ingénieusement dans un premier temps grâce à sa mise
en scène, l’oeuvre apparaît comme un quasi huis-clos, se limitant à quelques lieux plus ou moins sales,
plus ou moins sombres, mais toujours restreints par les plans serrés du réalisateur ne laissant qu’apparaître
l’autocensure, le silence et l’atmosphère pesante d’une société oppressante. Par ailleurs la mise en scène
d’une narration longue, quasiment dénuée de dialogue, laisse amplement place à la poésie du sous-
entendu, à l’exploration expérimentale des relations humaines. En effet, Wong Kar-wai nous transporte
totalement dans cette histoire romantique et nous apporte le sensuel à l’image, sans pourtant jamais le
montrer explicitement, en interrogent la question de la tentation et du désir, c’est donc par les teintes
chaudes choisies (noir/rouge/orange), par la représentation de Maggie Cheung (5h de préparation
journalière), ou encore par les plans fixes que le réalisateur nous arrête à une histoire plutôt longue à se
mettre en place. En effet d’un point de vu, il serait malhonnête d’affirmer que la narration ne laisse pas
place à l’ennui dès les premiers instants, le choix de couper chaque scène à l’image d’une pièce de théâtre
et l’omniprésence dès le commencement du silence et des dialogues vains se trouve être quelque peu
embarrassant au début. Cependant d’un autre côté, sans cette réalisation strictement codifiée le métrage ne
résonnerait pas de la même manière suite à son visionnage, Comment dépeindre la pénibilité d’un amour
qui ne peut exister ? Comment exprimer la lourdeur de l’oppression ? Comment partager la tristesse
engendrée par une trahison qu’on ne peut s’avouer ? Comment donner accès au spectateur à
l’ambivalence et la complexité du sentiment humain ? C’est toute la prouesse qu’accomplit le réalisateur
Hongkongais avec sa poésie cinématographique. En revanche, bien que Wong Kar-Wai soit le réalisateur
et scénariste du long métrage il n’est pas le seul génie à l’origine d’un tel succès. Les acteurs eux aussi,
emmènent In the mood for love vers une autre dimension, celle du chef d’œuvre. Maggie Cheung et Tony
Leung tiennent le lourd rôle de devoir jouer avec très peu de dialogues, tout en exprimant explicitement et
avec brio les émotions qu’ils veulent nous transmettre, tout est sous-entendu et c’est uniquement par leurs
interprétations que nous ressentons, ou du moins croyons ressentir et comprenons, ce que les dialogues ne
formulent pas clairement. Sublimé par une bande originale composé par Shigeru Umebayashi et Michael
Galasso, In the Mood for love devient donc un film référence, véritable point d’orgue de la romance et
peut-être même du cinéma dans sa globalité.
Mais quelles conclusions pouvons nous réellement tirer de ce film, indépendamment de toutes les
différentes interprétations individuelles… La morale de cette «fable cinématographique», fait d’abord
écho à une notion simple, que chacun connaît et peut appliquer à sa propre vie ; c’est le « carpe diem »
(cueille la vie), pour éviter les regrets, pour éviter une recherche trop tardive, pour vivre ce que l’on ne
peut vivre qu’une fois. Nous devons donc saisir, les instants, les émotions, le tangible et l’intangible, afin
de demeurer à l’abri de toute réminiscence que nous ne pourrions jamais comprendre, puisque la nostalgie
est condition humaine, mais si elle n’est que douloureuse il est insensé de ne pas y remédier.
« Il se souvient de ces années révolues. Il ne cesse d'y penser. Comme s'il regardait à travers une vitre poussiéreuse, il peut voir le passé, mais
ne peut le toucher. S'il parvenait à la briser, il courrait retrouver ces jours anciens.»