Je dois reconnaître que je m’y suis pris à trois fois avant d’apprécier ce film à sa juste valeur. La première fois, j’ai rien compris. La deuxième fois, je me suis demandé de quoi il parlait exactement. La troisième fois, avant-hier, à peu près, j’ai réalisé que ce n’était pas un film à regarder de façon ordinaire, avec des vieux réflexes, avec nos habitudes hollywoodiennes. En fait c’est une histoire d’amour camouflée dans un film d’auteur. Une sorte de mélo différend. Un peu comme si dans un match de foot, on nous montrait les joueurs, l’arbitre, le public, mais jamais le ballon. Ici on ne voit jamais l’objet de cet amour, ou de désir tout court. Les dialogues sont bourrés de hors champ, l’espace est clos, fermé, cloisonné, la caméra semble surgir du sol comme un voyeur, qui cherche à nous montrer ce que l’on ne voit jamais. Les plans sont courts comme pour nous empêcher de penser à la lenteur du film. On ne les voit jamais au lit ! A se demander si cet amour a réellement existé. Beaucoup disent amour platonique, moi j’ai l’impression que Wong Kar Waï entretient le doute. On ne les voit même pas sortir du lit ! Un art consommé de l’ellipse, avec une vision nostalgique d’un passé imaginé. Cette valse qui revient de façon obsédante, ce ralenti dans les escaliers, où se croise tout le temps le futur couple, les voisins trop curieux, qui fait qu’on doit se cacher pour qu’on ne soupçonne rien. Ce film se mérite. Rien n’est vraiment donné, c’est à nous d’entrer on non dans le champ. Par contre, mieux vaut le voir dans des conditions cinématographiques, de nos jours c’est facile avec les écrans plats grand écrans, qualité HD. C’est beaucoup mieux qu’à la télé, pour sentir cet espace oppressant, ce savant montage, ce temps decrescendo, cette cour où se déroule toute l’action. Le sentiment d’abandon, la solitude, le secret, la passion, la nostalgie.