Pas sûr que Disney soit aujourd'hui si heureux de son choix de sortir "Avalonia, l'Étrange Voyage" en France exclusivement sur Disney + (pour contester notre chronologie des médias) tant le film aurait peut-être pu un peu rattraper dans nos salles son bide complet au box-office américain. Pour autant, est-ce que le film en lui-même méritait un tel échec ? La réponse est tout de même plus nuancée que ses résultats sans appel.
Du côté de ses personnages, oui, "Avalonia" est incontestablement un des derniers Disney les plus faibles en la matière. Définis tout au long de l'aventure uniquement par un conflit de générations limité (l'une ne veut pas suivre le modèle imposé par l'autre) ne trouvant qu'un intérêt une fois certaines choses mises en lumière dans l'adversité, les trois protagonistes principaux masculins, et évidemment la quête de transmission/entente familiale sous-jacente qui en découle, ont clairement peu de chances de s'imposer dans les mémoires avec une motivation aussi maigre, exposée de façon redondante et, surtout, déjà abordée par d'autres biais dans d'autres Disney récents. De plus, là où le film aurait pu accueillir un personnage ouvertement gay (une première) ou avoir une famille mixte au centre de son histoire sans forcer le trait, il fait quasiment tout le contraire, avec une introduction qui évacue toute once de subtilité en appuyant grossièrement un à un ces éléments à l'écran sans justification particulière (l'amourette adolescente ne servira par exemple à rien), comme pour seulement se contenter de cocher les cases d'un porte-étendard progressiste qui, faute d'intelligence de traitement, risque de devenir son propre ennemi en donnant un os à rogner à la part la plus conservatrice du public. Même si le film se montrera ensuite heureusement moins insistant en la matière, ces héros et des personnages secondaires très oubliables se feront aisément tous voler la vedette par Splat, le sidekick comique habituel et, avouons-le, un des plus amusants en son domaine des derniers Disney. Et, quand un être bleu, informe et ne s'exprimant que par des petits bruits devient plus attachant que tous les autres, c'est qu'il y a hélas un souci majeur...
Cependant, si l'on met cela de côté, "Avalonia" vaut tout de même grandement le coup d'oeil en étant un Disney qui renoue avec l'esprit du film d'aventure, au sens noble du terme (et avec des clins d'oeil aux modèles du genre), nous faisant explorer l'inconnu d'un monde à l'imaginaire magnifique, fourmillant de bizarreries esthétiques au travers d'environnements et d'un bestiaire assez généreux en créatures drôles, uniques, poétiques et parfois aussi ragoûtantes (les "méchantes" avec leurs tentacules en forme de vers volubiles). De ce point de vue, et même si la nature de ce cadre n'est pas aussi mystérieuse que le film ne le voudrait pour la suite (il faudrait être très naïf pour ne pas s'en douter), "Avalonia" réussit à insuffler un véritable sentiment d'émerveillement dans la découverte de cet univers techniquement bien sûr très réussi. Enfin, grâce à un rebondissement (celui-là bien pensé) sur la perception de ses héros vis-à-vis des enjeux qui régissent ce monde, le film se pare d'un message écologiste pertinent, traduisant de jolie manière (et à hauteur d'un regard d'enfant) une nécessaire prise de conscience et solidarité face à la précarité de la Nature sur laquelle l'Homme, confortablement installé, préfère trop souvent fermer les yeux.
Faute de personnages vraiment marquants (à part Splat mais bon...) qui sont d'habitude une grande force des films Disney, "Avalonia" échoue assez nettement à se hisser aux pieds des sommets animés de la firme aux grandes oreilles mais il n'est néanmoins jamais pris en défaut sur ses ambitions de renouer avec l'essence d'un honnête film d'aventure destiné à toute la famille, toujours susceptible d'en mettre plein les yeux grâce à la folie douce des étrangetés qui peuplent son monde et source d'une fable écologiste loin d'être bête pour les plus petits.