Il est incroyablement fort ce Xavier Dolan ! Qu’on aime ou qu’on n’aime pas son cinéma, rares sont les auteurs ayant commencé si jeune et pouvant se targuer d’une filmographie aussi riche, forte et pertinente à l’aube de leurs trente ans. Avec « Matthias & Maxime », on sent que le jeune cinéaste a voulu revenir à quelque chose de plus intime et plus simple après les déboires vécus sur la post-production de son dernier film tourné en langue anglaise (une première). Sa sortie chaotique et l’accueil mitigé qu’il a reçu avec cet essai complexe l’ont certainement guidé vers quelque chose de plus confidentiel mais pas forcément moins ambitieux. Car, dans une filmographie éclectique sur le fond malgré des thèmes récurrents, Dolan n’a connu aucune réelle fausse note. Même ce « Ma vie avec John F. Donovan », qui avait tout du film malade, était loin d’être mauvais et même plutôt plaisant. Ici, il semblerait que l’on soit devant le film de la maturité et de l’apaisement. L’œuvre d’un jeune auteur un peu fou qui s’assagit mais n’en demeure pas moins une voie unique dans le cinéma international. On retrouve tout de même sur le fond ses obsessions et sa vision tout comme certains de ses gimmicks visuels reconnaissables entre tous. On est donc en terrain connu, mais un terrain plus carré, plus sobre et tout aussi maîtrisé que dans « Juste la fin du monde », son chef-d’œuvre.
« Matthias & Maxime » dure deux heures. Deux heures que l’on ne voit pas absolument pas passer, envahis que nous sommes par un tourbillon d’émotion(s) diverses et fortes qui nous traversent et nous remuent avec justesse, entre violence et douceur. L’histoire est plutôt simple et linéaire (un baiser entre deux amis d’enfance pour un tournage amateur va perturber leur relation et les frontières entre amour et amitié) mais Dolan l’irrigue de tellement de sentiments contraires et de moments en apesanteur que cela confine au génie. Le réalisateur n’a pas son pareil pour filmer la vie dans ses moments les plus simples et à priori anodins. Il parvient à rendre des séquences tout à fait banales en moments d’anthologie où l’on peut tous se retrouver à un moment ou à un autre (la fête du départ, les confrontations mère et fils entre Max et sa mère, …). Son cinéma atteint même son apogée lors d’un moment d’intimité inattendu mais qui tombe au moment opportun entre les deux garçons. La tension érotique et la puissance des sentiments y explosent et se retrouvent à leur paroxysme. De plus cette séquence est magnifiquement filmée entre champs/contre-champs et sublime travelling sur une musique en adéquation. D’ailleurs, encore une fois chez Dolan, la bande originale est renversante (ah la musique du générique d’introduction de Dyan « Looking for knives »).
La patte Dolan, pop, nostalgique et jeune est bien présente, mais elle se fait plus discrète pour laisser s’exprimer pleinement la raison d’être du film : avant tout une belle histoire d’amitié qui ne serait se voir recouvrir de trop d'afféteries. Et « Matthias et Maxime » montre que la frontière entre celle-ci et l’amour est parfois mince et délicate. Rarement cela n’avait été montré de manière si tendre et naturelle au cinéma. Dolan transforme les moments les plus triviaux pour les rendre magiques et il parvient à capter la moindre des expressions sur les visages de ses acteurs pour la magnifier et la faire traverser l’écran. Et parfois lui-même puisqu’il se met également en scène ici. Il s’avère d’ailleurs encore une fois aussi bon devant la caméra que derrière ce petit génie. Face à lui Gabriel D’Almeida Freitas est impeccable de doute intériorisé. A eux deux ils forment un duo de cinéma sublime de complémentarité. Quant aux seconds rôles, des plus aguerris aux plus jeunes, ils constituent une distribution irréprochable. On alterne rires grâce à quelques séquences iconoclastes et des dialogues toujours aussi fournis et hauts en couleur (mais que l’on devine quelque peu improvisés) ainsi que yeux embués face à la détresse de ses deux amis perdus, qui s’aiment mais ne savent pas se le dire. Tout est d’une justesse incroyable, l’émotion nous donne des papillons dans le ventre et c’est d’une simplicité qui nous fait aimer la vie et les rapports humains. « Matthias & Maxime » pourrait se voir comme un film mineur dans la filmographie de l’auteur mais c’est tout bonnement un très grand film, beau comme peut l’être l’amitié, la vraie.
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