Hitchcock fait avec Mon oncle Charlie (euh, L'Ombre d'un doute) tout ce qu'il ne fait jamais : Il n'amuse pas, il ne surprend pas, il n'éblouit pas.
Quand l'idolâtré oncle Charlie annonce son arrivée hâtive à Los Angeles, pour retrouver sa sœur, son mari et ses trois enfants, c'est un miracle qui semble redonner vie à cette famille. Cette famille américaine « traditionnelle », enlisée dans sa cité pavillonnaire des plus communes et barbantes, s'apprête à retrouver la joie de vivre et tout cela grâce à l'arrivée du seul homme capable de transformer les grimaces en sourire : Charlie ; mais appelons le Charles, pour mieux nous y retrouver.
L'autre Charlie – sa nièce –, jeune fille qui emprunte à la niaiserie et à la pertinence avec des doses équitables (ce qui en fait quelqu'un de très attachant – en plus de son joli minois –) voue une véritable admiration pour cet oncle qu'elle regarde avec des yeux émerveillés, comme une gamine qui regarderait un de ses héros d'enfance. Mais, après des retrouvailles chaleureuses ce sont de tous autres sentiments qui commencent à faire leur apparition. À travers divers évènements étranges, Charlie commence à suspecter son oncle d'être mêlé à une affaire sordide qui anime la presse : celle d'un meurtrier au visage inconnu en cavale. Elle a quelques raisons de penser qu'il puisse être l'homme recherché par la police, mais elle en a surtout beaucoup qui lui empêche d'envisager une telle chose : On parle ici de son oncle adoré, du frère idéal, du parent rêvé, bref, du dieu vivant. C'est donc un conflit moral qui commence à la ronger, et peu à peu, toute cette innocence qui la définissait en début de film se perd au profit d'un réalisme plus froid, plus sombre. Le film est en quelque sorte la transition d'une fille en femme, celle qui découvre que le monde n'est pas un conte, que la vie n'est pas toujours toute rose, et qu'il faut faire avec. C'est la perte d'une virginité pure.
Le film traite donc de la fascination d'autrui et de tout ce que ça implique : admiration naïve, dénie d'évidence, combat moral... ; et il le fait plutôt bien, l'incertitude de Charlie étant montré avec beaucoup d'intelligence. C'est cependant les seuls points qui sont traités avec finesse. Tout le reste, de l'intrigue policière en passant par le personnage de Charles, est non seulement trop prévisible mais surtout fade et en manque d'inspiration. Hitchcock oublie de divertir son public, l'humour ne repose que sur quelques brèves séquences mettant en scène les deux jeunots du casting (enfin surtout le garçon, la fillette étant parfois insupportable) ou Herbert.
En fin de compte, malgré quelques bonnes idées (la valse notamment) le film rate une marche importante : celle du motif. On nous parle de meurtres, de haine de la société, d'un homme qui voit le monde en noir (à l'opposé de Charlie) mais on nous glisse ces conséquences sans les causes qui puissent aboutirent à un tel état. Comme si on nous présentait un malade sans diagnostic : ça manque d'intérêt, ni plus ni moins. Quand on rajoute à cela un dernier tiers qui devient très vite inintéressant voir grotesque par moment (le passage dans le train) et un personnage de flic mal exploité, il ne reste pas grand chose à se mettre sous la dent. Quelques dialogues sympa, quelques petites tensions ici ou là (mais très mineures) ; pas de quoi compenser un film qui semble bien trop lisse, léger et anecdotique.
L'Ombre d'un doute c'est comme une toile vierge : elle est là mais on ne voit pas à quoi elle sert.