"Searching - Portée disparue" a pour particularité première de concentrer toute son action via des écrans d'ordinateurs, sauvegarde moderne de notre vie quotidienne. Présenté cette année au Festival de Sundance, il a même été récompensé par deux prix dont celui décerné par le public. "Unfriended", sur un ton plus macabre, avait déjà tenté l'expérience en 2014 mais là, Aneesh Chaganty, dont c'est le premier long-métrage, monte un puzzle technologique innovant et malin. Cette forme surprenante, qui préserve notre ignorance jusqu'au bout, prend le dessus sur une intrigue qui aurait pu être très vite prévisible sous un point de vue plus classique.
C'est vrai que l'histoire d'une adolescente qui disparait sans laisser de traces derrière elle n'a rien de nouveau. Mais la méthode de procédure de l'enquête s'avère originale ; n'ayant aucune preuves à disposition, le père de famille décide de faire ses propres recherches via l'ordinateur de sa fille, là où personne n'a encore regardé... Entre secrets et mensonges, l'identité de l'adolescente n'est pas forcément celle qu'on imaginait.
Rangé dans le genre thriller, "Searching" adopte un style de narration atypique et enivrant car jamais on ne quitte ces écrans aux travers desquels tout se déroule. Les preuves et les indices s'enchainent, tout comme les fausses pistes. Notre imaginaire se laisse emporter par des multiples raisons ayant entrainé la fugue de l'ado en question, mais les plus évidentes s'avèrent bien entendu vaines. Les webcams permettent d'avoir un regard sur l'utilisateur de l'ordinateur et le bruit des touches qu'on presse vient bercer notre ouïe, nous faisant perdre de vue la révélation finale qui s'avère évidente mais extrêmement bien dissimulée sous cette couche de fenêtres, de vidéos et d'appels WhatsApp en tout genre. J'ai fortement apprécié les différentes sortes d'écran mis en scène : du vieux Windows d'il y a 10 ans au Mac en passant par une interface de webcams.
Néanmoins, le fait que tous les souvenirs de son enfance et de sa jeunesse soient parfaitement répertorié dans ses appareils, ça peut parfois faire perdre en crédibilité. C'est par moment trop gros pour qu'on y croit vraiment, notamment dans les détails de l'enquête. En effet, jamais un proche n'enquêterait seul sur une pièce à conviction aussi précieuse qu'un ordinateur appartenant à la disparue... La police s'en chargerait directement.
Mais hormis ces quelques gros traits, le montage de "Searching" s'avère très convaincant et hypnotisant. La scène d'ouverture retraçant toute la jeunesse de la famille (à l'image de "Là-haut" chez Pixar) ainsi que le dénouement marqué par un beau retournement de situation sont les temps forts de cette fiction par écrans interférés. Le déroulement de l'enquête, bien qu'original dans sa forme, s'étend sur des fausses pistes et créé donc des longueurs.
Côté acteur, on regrette un manque d'émotions auprès de John Cho, dont la performance se contente du strict minimum (ou peut-être est-ce le doublage qui manque de nuances ?). Debra Messing, davantage connue pour des rôles comiques, s'attèle à un rôle complexe et subtil. Elle étonne, avec émotion, dans ce rôle d'inspectrice. En général, la forme a peut-être tendance à confiner et étouffer les protagonistes dans un jeu de "surface" mais l'équilibre avec les plates-formes technologiques se fait efficacement.
Mais comment ce film, si empreint de nouvelles technologies, vieillira-t-il ? Dans 10, 20 ans, son suspense et son final resteront-ils intacts ? Ou bien contemplera-t-on "Searching" comme une archive, une curiosité technologique témoin d'une génération ? Seul le temps nous le dira mais j'ai comme l'impression qu'il va prendre de sacrés rides...