Même précédé d’une bande annonce bien faite et qui fait objectivement envie, sur le papier, le film d’Anthony Marciano peut faire peur. Presque 2 heures en caméra subjective, avec un montage hyper rapide, et sans scénario très substantiel, je comprends que cela puisse rebuter. Mais très rapidement, dés les 10 premières minutes en somme, le film fonctionne car dans sa forme, il est parfaitement maîtrisé. Effectivement, le montage rapide, l’utilisation des effets de caméra (noir, avance rapide, mauvais cadrage, flou, contre champs…) et l’énorme abattage des comédiens donnent une vraie substance au long-métrage. C’est un film en forme d’exercice de style, forcément, c’est comme visionner un long film de famille fait par des amateurs, mais il y a une vraie cohérence et une vraie énergie qui s’en dégagent. En plus, le film d’Anthony Marciano est assez ludique pour le spectateur. Dans chaque séquence se cache un indice qui nous donne un repère temporel. Même si la narration est chronologique, il y a toujours un poster, une chanson, un vêtement, un bibelot, une référence qui nos permet de bien nous fixer dans le temps et surtout, il réveille chez les gens de ma génération un souvenir. Là où je suis un tout petit peu déçue, c’est sur la bande son. Je m’attendais à un déferlement de chansons d’époque bien choisies et qui auraient fait mouche dans ma mémoire. Même s’il y en a quelques unes, pour des raisons de droits peut-être, je les ai trouvés un peu chiche sur la musique. Mais je fais une mention spéciale à la séquence « Wonderwall », très drôle. Je souligne le bon travail des décorateurs et des costumiers qui ont retrouvé des tas d’objets et de fringues, aujourd’hui délicieusement vintages. On peut trouver que le film est un tout petit peu trop long mais ce n’est qu’un petit défaut car objectivement, techniquement, c’est très réussi. Et je pense que certaines scènes on dues être difficiles à refaire, comme celles de la place de l’Hôtel de Ville de 12 juillet 1998. Pourtant, tout fonctionne, on est dedans, on y croit, et on s’attache à Max, à sa mère, à ses potes aussi. Max Boublil apparait finalement assez peu à l’écran, vu que c’est lui qui est censé tout filmer. Mais dans ses 40 dernières minutes il se rattrape, l’invention des Smartphones et des selfies lui donnant bien plus de visibilité. Que ce soit lui, ou bien ses potes Malik Zidi ou Arthur Perier-Pillu, ou la délicieuse Alice Isaaz, ils donnent 200% devant la caméra et visiblement, s’éclatent comme des gamins ! Certaines scènes sont particulièrement réussies et drôles
(le duo de policier, l’anniversaire de Lou)
, certaines sont émouvantes
(le divorce, la maladie de sa maman, l’overdose de Mathias)
mais sans jamais sombrer dans le pathos. Lorsque c’est trop dur, ou émouvant, ou douloureux, Max éteint la caméra et immédiatement la rallume sur un moment plus fun. On arrive à la fin de « Play » sans trop avoir vu le temps passer et on est presque triste des les quitter. Le point faible du film, c’était prévisible, c’est le manque de substance de son scénario. En résumé, Max se planque derrière sa caméra pour filmer sa vie au lieu de la vivre.
Il filme ses potes qui réussissent, se marient, font des enfants et lui, il galère, Il enchaine les petits boulots, il cachetonne en tant que comédien, il se retrouve père de famille presque malgré lui. Même vis-à-vis d’Emma, il se planque : exilé volontaire dans la « friendzone », il ignore toutes les perches qu’elle lui tend jusqu'à ce qu’elle aille voir ailleurs, classique…
Finalement, en tant que spectateur, on s’amuse davantage de la forme qu’on est passionné par le fond. Parce que tout de suite on a compris où le film allait noue emmener, on sait d’emblée comment ca va finir, c’est cousu de film blanc. L’intrigue est light, ultra light même. Anthony Marciano aurait pu oser davantage, glisser des rebondissements plus originaux, pousser des situations un peu plus loin, introduire peut-être aussi un peu plus de gravité parfois, montrer les évènements plus tristes aussi, pas juste les victoires en Coupe du Monde. Cela aurait donné au film plus de profondeur au lieu de rester presque uniquement dans la comédie potache pendant 1h50.
L’histoire d’amour chaotique entre Max et Emma, il n’est pas besoin d’être voyant pour deviner comment elle va finir.
Même si on prend beaucoup de plaisir devant « Play », j’aurais peut-être aimé être davantage surprise par ce film, même bousculée un peu aussi, pourquoi pas ? C’est le petit défaut de « Play », autant il est original et créatif dans sa forme, autant il est attendu et sans imagination sur le fond. Sinon, pris dans sa globalité, c’est un film réussi, qui casse suffisamment les codes du cinéma traditionnel pour qu’on lui pardonne sans forcer la relative faiblesse de son scénario.