J’ai un peu tardé à voir Lutte des classes, sorti début avril…qui fait depuis un honnête parcours en salles, frisant les 450 000 spectateurs….J’y ai retrouvé presque dix années plus tard, le Michel Leclerc du « Nom des gens », alors que « La vie privée de monsieur Sim » m’avait déçu…un Michel Leclerc qui allie pertinence, intelligence, humour, tolérance et loufoquerie et qui s’interroge sur l’école qui ne remplit plus son rôle d’ascenseur social et sur les tensions communautaires qui en découlent mettant à mal les idéaux d’égalité et de mixité chers aux générations précédentes…Sofia et Paul, jeune couple bobo, ont quitté leur appartement parisien pour une jolie maisonnette située dans un quartier de Bagnolet où Sofia a passé son enfance…Comme tous les parents ils veulent le meilleur pour leur fils Corentin élève de CM2…nourris de leurs idéaux de mixité sociale, ils mettent leur fils à l’école publique voisine, Jean Jaurès…. mais quand les copains de Corentin désertent l’école publique pour Saint Benoit, l’institution catholique proche, ils s’interrogent et se retrouvent coincés entre leurs valeurs de gauche et leurs inquiétudes parentales…Sur cette trame que le réalisateur et sa compagne Baya Kasmi ont eux-mêmes vécue, et que beaucoup de parents ont partagée un jour ou l’autre, (qui n’a pas essayé de tricher avec la carte scolaire pour le « bien » de son enfant…) , terrain glissant s’il en est….Michel Leclerc a fait un film intelligent et sur un ton gentiment provocateur mais toujours bienveillant, il aborde nombre de sujets brûlants : la religion, le voile, le harcèlement scolaire, la formation des enseignants, le manque de budget de l’éducation nationale ….en s’appuyant sur un duo d’acteurs au mieux de leur forme, l’épatante Leila Bekhti ( Sofia) en jeune avocate bien calée dans l’ascenseur social, et bénéficiant à son corps défendant de la discrimination positive, et l’hilarant Edouard Baer ( Paul) musicien vieux punk, lunaire, rebelle sans ambition, qui découvre que le monde en changeant l’a fait changer de case…il n’est plus le gaucho qui faisant peur aux bourgeois..il est devenu lui-même le bourgeois et cela lui est insupportable….Ces deux acteurs sont entourés d’une flopée de rôles secondaires tout aussi désopilants…sa propre compagne Baya Kasmi, en mademoiselle Delamarre, institutrice stressée, débordée par sa classe et qui se montre incapable de s’exprimer simplement face à ses élèves….Ramzy Bedia, monsieur Bensallah, le directeur qui mène ses élèves comme une bande de quartier….et qui doit régler beaucoup de problèmes avec peu de moyens….devant faire passer la sécurisation de l’école , plan Vigipirate oblige, avant sa rénovation pourtant nécessaire…monsieur Toledano, le juif totalement parano qui truffe sa maison de systèmes de sécurité totalement inouïs, formidablement interprété par Laurent Capelluto…sans oublier l’humoriste Claudia Tagbo, en imperturbable directrice d’école de quartier qui a intégré la géolocalisation pour démasquer les parents tricheurs…Certes il y a quelques invraisemblances, notamment la fin… mais quel scénario futé, quel humour, quel décapage de clichés, quelle interprétation jubilatoire !!! Allez le voir avant qu’il ne quitte les écrans …