La lutte des classes est un concept politique théorisé par Karl Marx, mais c'est aussi le titre d'un film français sorti en 2019. Il lorgne vers la comédie mais son propos est en réalité très sérieux au sujet du fameux "vivre ensemble" dans ce pays. On doit ce long métrage au réalisateur Michel Leclerc qui avait fait le remarqué Le Nom des Gens en 2010.
On y suit les aventures d'une famille parisienne qui décide de vendre son petit appartement pour un pavillon en Banlieue à Bagnolet, afin d'avoir plus d'espace pour les enfants qui viennent agrandir cette famille. Mais le choix de Bagnolet n'est pas anodin, il s'agit de la ville de naissance Sofia, incarnée par une excellente Leila Bekhti. En plus d'être sa ville de revenir dans sa ville de naissance, elle emménage dans la maison de ses rêves, un pavillon qu'elle pouvait voir de la chambre son son HLM lorsqu'elle était enfant. Son compagnon Paul, incarné par un Edouard Bear qui n'a besoin de fournir aucun effort pour dépeindre un gauchiste convaincant, souscrit totalement à ce projet. Oui, à ce stade, inutile de préciser que tout ce beau monde est de gauche, tolérant, multi culturaliste, bobo, mange bio et j'en passe !
Mais une fois confronté à la vie en banlieue, toutes ces convictions de gauche vont peu à peu vaciller. Mais par l'acte même d'opérer une plus-value sur la vente de l'appartement parisien, le pêcher originel était déjà commis. Par la suite, notre couple sera de plus en plus testé, notamment sur la scolarisation du petit dernier. L'école élémentaire publique du quartier semblant toute indiquée pour notre couple. Pourtant, au fil du temps, l'évidence ne va cesser d'être contestée par la réalité. Les tensions et incompréhensions sont inévitables dans cette école républicaine laïque mais pas tout à fait imperméable au fait religieux. Surtout avec une maîtresse apeurée qui ne cesse de s'exprimer avec un jargon inintelligible tout droit sorti des directives du ministère de l'éducation nationale (hilarante Baya Kasmi). Les différences culturelles entre les enfants de différentes origines sont aussi parfois sources de problématiques. La violence enfin, ne tarde pas à effrayer quelque uns de nos bobos bien pensants qui ne tardent pas à envoyer leur marmot dans le privé ! Sacrilège, pourtant ils votent à gauche, mangent bio et cultivent des légumes dans un jardin partagé. Ce que pointe ce film, c'est une certaine hypocrisie d'une gauche hors sol qui prétend défendre les plus faibles, les opprimés. Mais qui, une fois confrontée à tout cela dans le quotidien, prend ses jambes à son cou pour fuir.
Mais cette dénonciation se fait sans méchanceté et avec beaucoup de pertinence. D'une part, en montrant que non, il n'y a pas de territoire perdu dans la République, et que lorsqu'on y met du sien, on peut parvenir à coexister avec des personnes différentes. Ainsi, le rôle du directeur de l'école interprété par un fabuleux Ramzy Bédia est une bouffée d'oxygène permanente à chacune de ses scènes.
Dans ce contexte très naturaliste, on force à peine les traits. Et pourtant, la démarche cinématographique n'est pas oubliée dans la construction des plans et surtout dans l'écriture du scénario, des rebondissements et des dialogues. De sorte que, s'il y a une morale dans ce film, c'est que tant que nous pourrons dialoguer, nous pourrons résoudre les problèmes. Une sorte de Deus ex machina montre quant à lui ce qui menace réellement le pacte républicain, le manque de moyens dans le service public. Et dans une inspiration malicieuse, un objet qui crée parfois des tensions va s'avérer être un instrument permettant un véritable sauvetage.
La lutte des classes est un film intelligent, drôle qui donne à réfléchir et qui parle mieux d'une certaine France que bon nombre de personnes qui ont leurs ronds de serviette dans les médias.